Rencontre avec un artiste marocain : André El Baz

André El Baz’, artiste plasticien mondialement connu, est Marocain. Il a quitté sa ville natale El Jadida en 1954 pour Paris.

Quand il a su que je venais de la même ville que lui , il a eu un pincement au coeur et s’est exclamé en arabe marocain (ya hasra). Il s’est rappelé sa vie d’enfance, joyeuse dans les ruelles de la médina et la plage dorée d’El Jadida à l’époque du protectorat. Il a ajouté aussi: c’était la belle période de ma vie où nous vivions ensemble, toutes religions confondues, comme une seule famille.

Après un café bu ensemble à la terrasse du café le Métro à Saint-Germain des Près, il acheta un bouquet de menthe et m’invita, chez lui, pour un verre de thé, tout en s’excusant que quoi qu’il fasse, son produit ne sera pas à la hauteur du thé doukkali. Nous avons discuté, à bâtons rompus, dans son salon où en face de nous, sur le mur, il a accroché un grand tableau baptisé El Jadida. Pendant plus de deux heures, il m’a raconté des bribes de sa vie au Maroc, en France et ailleurs et avant de le quitter, il a tenu à m’offrir une photo représentant son tableau sur El Jadida et l’a ainsi dédicacé: Avec toute ma sympathie pour Mustapha Jmahri qui a apporté avec lui à Paris l’affectueuse chaleur de la ville de mon enfance: El Jadida.

André El Baz, après avoir voyagé et exposé ses oeuvres dans les galeries du monde entier notamment au Maroc, en France, au Canada et aux USA, est retourné vivre à Paris. Actuellement, il prépare avec l’aide de sa femme, professeur d’université, un livre sur son approche de thérapie par l’art. Cette thérapie concerne les personnes malades, suivies par leurs médecins et qui tentent de trouver des solutions à leurs problèmes. André El Baz ajoute que son approche thérapeutique a fait l’objet en France d’une thèse de doctorat en sciences de l’éducation, présentée par un chercheur.

A ma question sur son point de vue sur l’état de l’art aujourd’hui, il m’a répondu que l’art va aussi mal que le monde va mal.

André El Baz voit que le Maroc a de très bons artistes s’inscrivant dans les écoles contemporaines et qui présentent des travaux pleins de recherche et de confrontation.

Parcours mouvementé : Né à El-Jadida où il a fait sa première scolarité, André est parti, à l’âge de 14 ans, à Rabat pour continuer ses études au lycée Gouraud, et ensuite au collège du livre.

Son départ pour la France est intervenu suite à une tournée au Maroc en 1954, effectuée par la Comédie française avec laquelle il a fait des figurations, qu’il qualifie, de plus ou moins intelligentes. Il a accompagné la troupe à Paris, alors qu’il avait juste vingt ans. La troupe était, à l’époque, sous la direction de Jean Daby, grand sociétaire de la Comédie française. C’est à ce moment-là, comme il dit, qu’il commença à peindre et faire des expositions, d’abord, à Paris puis à Nice.

En 1961, André El Baz se rappelle que l’attaché culturel de France au Maroc, historien d’art de formation, était de passage à Paris et lorsqu’il a vu ses travaux, il l’a invité à exposer au Maroc. Il est donc rentré à Rabat et a monté des expositions qui ont eu un grand succès.

Sa présence au Maroc va se prolonger pendant une courte période quand Farid Belkahia devenu directeur de l’école des Beaux Arts à Casablanca, lui proposa de devenir professeur de peinture.

Après cette expérience enrichissante dans son pays, il alla habiter à Londres pour trois ans de 1963 à 1965. Mais il n’a pas oublié le Maroc où il retourna, plus d’une fois, pour exposer de nouvelles oeuvres.

A ce moment-là, vint la période américaine. En effet, après un passage par la Cité internationale des arts à Paris, il décroche une bourse américaine pour visiter des musées et des écoles d’art américain. Et à la fin des années soixante du siècle dernier, il part pour Montréal au Canada et là il organisa une importante exposition qui a eu un succès retentissant puisqu’il venda plus d’une trentaine de tableaux.

Sa présence au Canada durera trois ans, jusqu’à 1972, quand il partira ensuite pour exposer à Tokyo au Japon.

Aujourd’hui, André rêve de revenir à sa Mazagan, de naissance et d’enfance pour se ressourcer et stimuler sa mémoire.

Mustapha Jmahri – Libération 2-12-2003