Un MRE de la Nouvelle-Zélande investit dans les produits de mer

  • Passionné pour le commerce d’ormeaux, il tente sa chance dans l’export
  • Il regrette, toutefois, la surexploitation illégale de ce produit halieutique

Ormeau tuberculeux, c’est une sorte de produit de mer. Il est considéré comme un mets des plus raffiné en Asie notamment à Singapour et à Hong Kong. Même les consommateurs de l’Amérique du Nord l’apprécient beaucoup. Au Maroc, très peu le connaissent à part les marins exercés. Taoufik Ouatouat, un Marocain originaire de Rabat, a eu l’idée d’industrialiser cette ressource halieutique pour l’exporter vers la Nouvelle-Zélande. L’idée n’est pas le fruit du hasard car Taoufik est naturalisé Néo-zélandais après avoir passé 15 ans de sa vie dans ce bout du monde. En Nouvelle-Zélande, de nombreuses usines se sont spécialisées dans les techniques de conservation de ce produit de mer, destiné à l’export. Fort de cette expérience, Taoufik a importé cette technique. Il a commencé par réaliser une étude pour un coût de 450.000 DH. L’objectif était d’évaluer le potentiel en ormeaux tout le long des côtes d’El Jadida jusqu’à Laâyoune Les prospections pour l’étude ont été effectuées par Neil Andrew, un expert, directeur actuel de l’Institut de recherche des produits de mer en Nouvelle-Zélande, en collaboration avec l’INRH du Maroc. Les conclusions de l’étude ont révélé que pour sauvegarder cette ressource, il ne faut pas exploiter plus de 15 tonnes par an en ormeau dans la région d’El Jadida, 15 tonnes à Essaouira et seulement 5 tonnes pour les régions d’Agadir et 5 tonnes à Boujdour.

Avec ces résultats très concluants, il fallait donc passer à l’étape suivante, celle de l’exploitation. Pour réaliser ce projet, le Marocain Néo-zélandais a mis en place des chambres froides, selon un système original de congélation par tunnel. Des investissements assez conséquents (2 millions de DH) ont été engagés dans un petit local de 200 m2 au sein de l’espace incubateur d’entreprises dans la ZI d’El Jadida. Le promoteur ne cache pas les difficultés qu’il a rencontrées pour avoir après plusieurs mois de va-et-vient le feu vert du ministère de la Pêche. «Le 25 septembre 2003, j’ai obtenu l’autorisation», se rappelle-t-il. Mais ce document, signé par Tayeb Rhafès, ex-ministre de la Pêche, n’était valable que 2 mois pour les côtes d’Essaouira. Cependant, Taoufik n’a pas pu travailler car la période autorisée coïncidait avec le mois du Ramadan et les pêcheurs refusaient de plonger «pour ne pas rompre le jeûne». De plus, l’autorisation même signée par le ministre n’était pas valide car le littoral d’Essaouira était sempiternellement… «en cours de classement sanitaire pour déterminer sa salubrité». Ce n’est qu’en mai 2004 qu’une autre autorisation de 2 mois seulement a été accordée pour exploiter l’ormeau dans le Cap Baddouza et Souiria Kdima sur les côtes de Safi et Ouled Ghanem à El Jadida. Mais une autorisation de 2 mois reste insuffisante pour amortir les investissements, affirme Taoufik Ouatouat. Ce dernier dénonce le trafic de l’ormeau et son exploitation outrancière dans le marché noir qui se fait durant toute l’année au Maroc. Des exploitants illicites de l’ormeau exportent vers le marché européen, essentiellement l’Espagne. Le promoteur évalue ce trafic à 40.000 tonnes par an. «Pour exporter les ormeaux, les trafiquants les dissimulent dans d’autres produits halieutiques», explique encore Taoufik. Un kg d’ormeaux coûte en Europe quelque 300 DH. Alors que les exploitants marocains l’achètent entre 80 et 90 DH auprès de marins pêcheurs le long des côtes.

En principe, la collecte de l’ormeau tuberculeux se fait légalement dans les sites classés A du point de vue salubrité. A travers des plongées dans une profondeur d’au moins 10 mètres, des marins arrivent à dégager des quantités assez importantes. La taille du spécimen à pêcher doit être légalement supérieure à 7 cm. Pour sa part, Taoufik utilise une technique de pointe en plaçant d’abord ces produits de mer dans une chambre avec une température variant entre 0° et 14°. Le traitement consiste à le nettoyer et à enlever la coquille après éviscération. La deuxième étape consiste à mettre 2 tonnes d’ormeaux dans un autre congélateur pour abaisser la température à moins 40° dans un cycle de 4 heures. Ensuite après emballage, le produit fini est placé dans une autre chambre froide avec une température de moins 18°. L’ormeau est ainsi exporté, après 39 jours de voyage, dans un container frigorifique vers une conserverie en Nouvelle-Zélande. Cette dernière baptisée Prepared Foods couvre 30% des besoins du marché mondial en ormeaux. Rassuré de l’avenir de cette activité, Taoufik veut aller jusqu’au bout. Grâce au gouverneur de la province d’El Jadida, l’industriel a pu obtenir un terrain de 4.000m2 dans la zone industrielle. Il compte bien investir encore 6 millions DH pour créer encore dans les 40 emplois permanents.

«Comment j’ai atterri en Nouvelle-Zélandaise»
A l’âge de 23 ans, Taoufik Ouatouat a émigré d’abord en Italie où il a séjourné pendant 7 ans. Mais c’est suite à une rencontre à Paris que sa vie allait changer. Là il s’éprend d’une Néo-Zélandaise qu’il épousera. Et sur un coup de tête, le couple décide de s’installer en Nouvelle-Zélande. La grande aventure commence. Taoufik se remet aux études et s’inscrit à l’université Massey à Palmerston North en Nouvelle-Zélande. Il obtient un Master en commerce. Grâce à ses études et à son travail, il devient inspecteur spécialisé dans la technologie de l’industrie des viandes rouges dans ce pays. Cinq ans après, il décide de terminer seul son parcours. Pour lui, l’expérience de la Nouvelle-Zélande marquera toute sa vie. «Ce beau pays touristique, se complaît à dire Ouatouat, compte dans les 34 millions de têtes de bovins pour seulement 3 millions d’habitants». C’est par amour pour le Maroc, qu’il a voulu investir à El Jadida où a vécu son grand-père.

Mohamed RAMDANI 02-07-2004