La nature a horreur du vide. Et c’est ce cruel vide-là qui a tendance à faire sombrer de plus en plus, la ville d’El-Jadida dans cet insondable abîme des temps. Une triste certitude qui agresse à longueur de journées et de mois et dont les échos et les résonances ne semblent plus alarmer que quelques carrés de nostalgiques, qui continuent d’espérer que demain sera peut-être bien meilleur.
Faut-il désarmer ou battre les sentiers de la résurrection pour une ville aujourd’hui sans âme? Ce dilemme qui retarde depuis quelque temps certaines rares bonnes volontés, peut-il être considéré comme le signe avant-coureur d’une prise de conscience collective, à même de recadrer la capitale des Doukkala dans sa véritable dimension économique et socio-culturelle?
Ce petit préambule qui schématise timidement un état d’âme généralisé, nous amène à faire le parallélisme avec une autre ville témoin dans la région et dont la destinée est placée de nos jours, sur la bonne orbite, par la seule volonté des siens.
Safi respire au mieux, se solidarise et se développe. Et on ne peut qu’admirer et adhérer à cette lame de fond qui mobilise toutes les potentialités internes et externes d’une ville qui refuse de périr avec sa sardine.
Les échos que nous apportent souvent ces bons vents du sud, nous confirment que Safi tient aujourd’hui sa revanche contre l’histoire. Et ce sursaut salvateur qui n’arrête pas de nourrir les ambitions les plus spectaculaires, Safi le doit à sa société civile, relayée dans le même combat par les politiques et les autorités en place.
El-Jadida saura-t-elle tirer des leçons et ressouder ses fractures? Les responsables de cette ville comprendraient-ils que la chose locale est beaucoup trop importante pour être réduite aux simples mesquineries d’un quotidien aux horizons lamentablement réduits? La société civile surmonterait-elle ses crises d’alcôves et ses quolibets de circonstances?
Autant de chantiers qu’il est impératif d’ouvrir collectivement, maintenant et avec toute l’audace qu’il faut, si des fois on a toujours envie que cette bonne et vieille ville d’El Jadida reprenne sa place dans un train depuis longtemps en marche.
La nature a horreur du vide et c’est sans doute pour combler ce vide glacial à El Jadida, que le gouverneur a pris son bâton de pèlerin pour défendre à sa manière certains dossiers de première priorité pour la ville, mais qui ne font même pas frémir la mémoire de ceux qui, paradoxalement, sont censés être à l’écoute des maux de leurs concitoyens.
Aujourd’hui, on croit savoir que le secteur III qui représente pour beaucoup le futur El Jadida est en voie d’une réelle régularisation. Cette ultime tranche du périmètre urbain, censée abriter le nouvel El Jadida avec une population estimée à quelque 160.000 habitants, s’était prise depuis 1996 dans un véritable goulot d’étranglement par manque d’infrastructure de viabilisation ainsi que par la proximité de la décharge publique s’étendant sur près de 13 ha au cœur du secteur en question.
Et si depuis peu de temps, le transfert de la décharge ne rentre plus dans le cadre des promesses d’occasion, puisque le site pour la délocalisation est déjà déterminé, l’autre bonne nouvelle concerne l’aboutissement du collecteur hors site, dont la réalisation n’a cessé de capoter depuis le lancement des travaux en 1996, à cause du désengagement municipal qui a été dans l’incapacité morale d’honorer les clauses d’un partenariat de financement tripartite qui l’associe à l’OCP et à l’ANHI.
Emettons tout de même l’espoir de voir El Jadida échapper un jour à cette spirale d’irresponsabilité collective qui risque d’achever les quelques rares élans de bravoure dont font preuve certaines associations de la place ainsi que certaines individualités, qui ne peuvent ramer indéfiniment à contre-courant, dans une ville toujours inconsciente des impératifs et des enjeux du moment.
Chahid Ahmed – Libération 23-01-2004