El Jadida, peur sur la ville

Passants, vitrines de magasins et vitres de voitures en stationnement, rien n’est plus à l’abri de la vague de ces actes violents dont les auteurs ne sont autres que les aliénés mentaux qui hantent ces derniers temps de nombreuses artères d’El Jadida.

Un danger latent mais réel qui peut frapper aveuglément et à tout moment d’innocents citoyens ou des touristes étrangers, et ce en l’absence totale de toute initiative préventive de la part des responsables communaux de la ville.

Les villes se rejettent leurs misères, clandestinement, par le biais des circuits de la honte. Et à chaque occasion, El Jadida doit supporter les contrecoups d’une « livraison » pas comme les autres. Un lot d’une déchéance humaine irresponsable et livrée à elle-même. C’est devenu presque un rituel dramatique, au centre duquel la dignité humaine est bafouée dans toute sa profondeur.

« Tous ces nouveaux visages, qui portent dans leurs regards une détresse absolue et qui errent aujourd’hui dans le centre de la ville, ont été débarqués tout récemment, au petit matin, d’on ne sait quelle provenance « , nous confirment certaines sources proches du phénomène. Un véritable drame, qui ne peut laisser insensibles les composantes de la société.

Tout récemment, un jeune homme, en haillons et dont les traits ont disparu sous des couches de crasse, s’est froidement acharné sur les vitres d’une voiture, heureusement sans occupants et qui stationnait dans une grande avenue de la ville. Un cas qui en rappelle d’autres plus graves, comme celui de cette jeune femme tailladée au visage par un objet acéré, en plein marché Allal el kasmi, ou encore toutes ces rangées de voitures en stationnement, ayant été criblées de jets de pierres, sans que personne n’osât intervenir.

Aujourd’hui, même les restaurateurs et cafetiers conseillent à leurs clients étrangers et nationaux d’éviter les terrasses, par peur d’éventuels harcèlements de la part des malades mentaux, dont les réactions sont souvent imprévisibles.

A qui incombe donc la responsabilité de cette situation? Tous les intervenants, concernés de près ou de loin par un phénomène qui ne cesse de prendre des tournures graves se rejettent la balle.

Pour les services de police, qui sont au-devant de la scène et restent les plus sollicités à chaque fois qu’un cas d’agression ou de détérioration de bien est signalé, leur champ d’action consiste à dresser un P.V de déclaration, tout en orientant le malade vers les services psychiatriques de l’hôpital Mohammed V.

Il est fort regrettable que, dans tous les cas enregistrés, l’agresseur se retrouve lâché dans la nature quelques heures plus tard, pour récidiver ailleurs de quoi décourager les volontés les plus déterminées.

Au niveau de la protection civile, dont le rôle, auparavant, était la maîtrise de certains forcenés, sans même disposer de camisole de force, aujourd’hui on est confronté au même refrain. Leurs interventions sont considérées comme vaines, au point d’esquiver toute responsabilité dans ce genre d’incidents. La prise en charge des aliénés mentaux relève de l’action médicale des services psychiatriques. Ce serait une perte de temps et d’énergie que de les revoir déambuler dans les rues de la ville, dans les mêmes conditions, à peine quelques heures après avoir été admis dans ces services.

Aucune structure d’accueil digne de ce nom, aucune prise en charge médicale. La seule tolérance dont ils jouissent, ils la retrouvent dans l’ombre de la rue qui doit vivre avec, et dans l’indifférence du citoyen qui les évite ou les craint au gré de leurs allures pitoyables ou leurs réactions d’aliénés, le plus souvent incontrôlables.

Toujours est-il qu’au-delà de cette psychose qui est en train de s’installer à El Jadida, au-delà de tous les rejets dont les citoyens font preuve envers cette catégorie humaine à part, on ne peut qu’avoir de la compassion pour ces malades, reniés par les milieux familiaux, refoulés par la société et qui ne disposent d’aucune structure d’accueil ou de soin pour soulager leurs peines et leurs souffrances. Des citoyens marocains qui ont perdu toute leur dignité humaine et dont le seul tort est d’avoir succombé à leur insu à la maladie de la dégradation et des déportations à travers les circuits de la honte.

Ahmed CHAHID
m.ahmedchahid@yahoo.fr