Amiante de ciment: El Jadida sur la voie de l’imprudence

« Du point de vue juridique, je suis convaincu de la possibilité de l’utilisation de l’amiante de ciment dans les conduites d’eau de la ville, sans trop de crainte, mais cela n’explique pas pour autant que je suis fixé sur la chose scientifiquement», c’est par cette acrobatie de mots et de sens, que l’actuel président du conseil municipal a voulu tirer son épingle du jeu d’un bras de fer, engagé depuis quelque temps entre les élus de la ville et la direction de la RADEEJ, une conduite maîtresse d’eau potable, d’une longueur d’un kilomètre, composée d’amiante de ciment étant au centre de la polémique.

L’argument juridique sur lequel repose la tranquillité du président a trait à un décret ministériel, qui, selon lui, considère que l’amiante de ciment est un composé inoffensif. Seulement, une simple lecture des articles de ce décret nous met en face à une autre vérité, puisque ce dernier somme les établissements dont l’activité entraîne les travailleurs aux poussières d’amiante, à respecter certaines mesures rigoureuses de prévention, et de poursuivre dans son article (3) que les établissements concernés sont tenus de remplacer dans la mesure du possible, l’amiante ou les produits en contenant, par d’autres produits ou minéraux, visés par une commission ministérielle comme étant inoffensifs ou moins nocifs, ou par l’utilisation des techniques les plus avancées et économiquement viables et qui puissent atteindre le même but.

Toujours selon le président du conseil municipal, qui s’est exprimé lors d’un point de presse auquel ont pris part les directeurs de la RADEEJ et de l’ONEP, «même le département des sciences de l’université Chouaib Doukkali, qui a été sollicité par la commission médicale de la municipalité, n’a pas été en mesure d’apporter des éléments de réponse à cette problématique. Il s’est avéré que ce département ne dispose d’aucun spécialiste en matière d’analyse chimique de l’eau, capable de mettre à notre disposition une étude pouvant confirmer ou infirmer la toxité de l’amiante de ciment quand elle est utilisée dans des conduits d’eau ».

De son côté, le directeur de la RADEEJ, qui a enfin daigné rompre son silence après plusieurs semaines de tergiversations, pour ce dernier, les choix sont fixés et l’amiante de ciment pour lui ne présente aucun danger tant qu’elle est tolérée par l’Etat.

Toutefois, le seul argument qu’il a tenu à avancer pour convaincre d’assistance, a trait à une anodine note de l’OMS datant de 1992 qui stipure que l’amiante de ciment ne présenterait aucune danger quand elle se présente sous forme de conduites d’eau, mais dont tout de même obéir à certaines conditions et dosages spécifiques.

D’après l’intervention du responsable de la RADEEJ, tant qu’aucune loi du pays n’interdit par l’utilisation de l’amiante deciment, il n’y a pas à s’interroger sur d’hypothétiques dangers souvent accompagner son usage. D’ailleurs, selon lui, sur les 230 km de tableaux existants, El Jadida compte quelques 120 km de conduites d’eau en amiante de ciment et cette pratique ne date pas d’aujourd’hui.

Pour ce qui est du directeur de l’ONEP, appelé en renfort pour soutenir son collègue, celui-ci a surtout mis l’accent sur les dangers de l’amiante à l’état de poussière, tout en restant très évasif quand au côté composé de cette matière avec le ciment.

Ainsi donc, on peut dire que la levée de boucliers de ces derniers jours n’a eu aucun effet sur les insondables règles qui régissent l’univers des marchés, même si cela se fait au détriment de la santé des populations.

Les conduites d’eau qui soulèvent cette polémique sont déjà installés pour charrier le doute dans leurs entrailles. El Jadida a encore une fois opté pour les voies de l’imprudence.

Ahmed CHAHID – Libération du 14-04-2004