“Dar Al Amal” d’El Jadida, une destinée sans espoir

Récupérables. Oui, nous avons espéré qu’ils le seront un jour, tous ces enfants en situation précaire qui sillonnent les boulevards et places d’El Jadida, avec pour tout capital, un chiffon imbibé collé à la bouche ou une boîte de cirage. Récupérables, pourvu qu’on leur tende la main, qu’ils reprennent confiance et sentent la chaleur humaine de cette société qui les a enfantés, mais qui ne peut indéfiniment les ignorer.
C’est cette impression-là que nous avons ressentie, il y a beaucop de temps de cela, lorsque nous avons assisté à l’inauguration du foyer “Dar Al Amal”, créé tout spécialement pour sauver de la perdition tous ces enfants, pas comme les autres et qu’on surnomme malencontreusement “Enfants de la rue”.
Ils étaient alors une vingtaine d’habitués à constituer le premier noyau, pour un grand projet, sur lequel El Jadida fondait de grands espoirs. “Dar Al Amal” symbolisait alors le gîte, la nourriture, l’éducation et l’espoir d’une insertion dans une institution professionnelle…somme toute, elle représentait le salut pour nombre d’enfants qui vivotent en marge de notre société.
Malheureusement, il a fallu peu de temps pour que tous ces élans d’esploir partent en éclats. Aujourd’hui, “Dar Al Amal” n’existe plus que dans les esprits de tous ceux ou celles qui s’accrochent à un “sauf-conduit” social pour se donner une contenance. Le seul signe de vie est représenté par cette pancarte “Dar Al Amal” qui en dit long sur la noblesse de cette action et qui semble défier les temps et les manœuvres tortueuses de tous les fossoyeurs de l’espoir, qui ont tendance à pousser le cynisme jusqu’au point de faire croire que les rires fusent toujours dans cette institution sociale fantôme.
Silence coupable ou négligence professionnelle de la part de l’administration et des organes tuteurs de ce secteur qui ne peuvent ignorer les dessous de cette défection? C’est cette large interrogation qui ne cesse de tarauder les bonnes consciences de la ville qui ne comprennent toujours pas pourquoi on continue à tolérer ce laisser-aller, alors que le rêve de tant d’enfants était à portée de main.
Y aura-t-il un jour, ce retour vers les chemins de l’espoir pour que ce projet de la dernière chance puisse enfin honorer sa noble mission de récupération?
Interrogation que nous laissons en suspens, pour tous ceux qui assistent mais ne réagissent pas, à l’heure où le chantier social s’avère une priorité dans les hautes sphères de l’Etat tant il constitue une affaire centrale dans le programme du gouvernement.
“Dar Al Amal” ne souffre plus la complaisance et il est grand temps de l’orienter vers sa belle mission.

Ahmed CHAHID – Libération 15-01-2004