Par : Ahmed CHAHID
- L’autoroute placera El Jadida à 45mn de l’aéroport Mohammed V
- Nous enregistrons un retard flagrant en matière de communication
- La demande Nationale en énergie électrique croit de 8% chaque année
En marge des travaux de la caravane de l’exportation, dont la douzième et dernière étape, a été consacrée à la province d’El Jadida, nous avons rencontré Fouad AMMOR, Directeur général adjoint, chargé des affaires administratives et financières, à la centrale thermique de Jorf Lasfar (JLEC), qui participe à hauteur de plus de 50% dans la production Nationale en matière d’énergie électrique,soit une capacité de 1350Mégawatts(MW).
Fouad AMMOR, a bien voulu nous parler de cet éternel futur pôle économique qu’est El Jadida, de ses atouts, ses cordes de faiblesses et surtout de nombre d’autres opportunités à portée de main, et qu’il serait dommage de passer à côté sans en tirer le grand maximum, pour le développement harmonieux et durable dans la province d’El Jadida.
Q : Est-ce que vous considérez que la Province d’El Jadida peut prétendre détenir aujourd’hui, le qualificatif du deuxième pôle économique du Royaume ?
FOUAD AMMOR : Théoriquement la province d’El Jadida est en cours de devenir le deuxième pôle économique du Royaume. Ses potentialités sont telles que ça ne pourra être qu’une réalité, mais à condition que tout le monde s’implique, pour que la province, puisse disposer de ce « label », qui ne se donne pas, mais se mérite.
Aujourd’hui, l’ère des avantages fiscaux, du code des investissements, de la Charte de l’investissement est finie. Toutes les provinces sont mises sur le même pied d’égalité( exception faite de certaines zones particulières), et à El Jadida, nous ne partons pas du néant. Nous disposons déjà d’atouts substantiels, et ce qu’il faut, c’est consolider ces acquis et conjuguer les efforts des uns et des autres pour une meilleure utilisation des ressources actuelles ou celles qui seront offertes, à court, moyen et long termes avec une harmonisation des efforts, afin d’attirer vers cette province les investisseurs nationaux et internationaux.
Une chose est cependant certaine, c’est que la province d’El Jadida a toujours été privilégiée par rapport à d’autres provinces. Il s’agit sur le plan touristique de la station Mazagan, faisant partie des cinq sites du plan Azur, il y a le nouveau parc industriel de Jorf Lasfar, avec ses 500 ha, une manne foncière inestimable, non loin de l’un des plus grands ports du Royaume, offrant des capacités importantes non encore exploitées et une ligne de chemin de fer qui le reliera en voie double dans un proche avenir. Le futur parc industriel de Jorf ne doit pas nous faire oublier les potentialités que continue à offrir la Zone Industrielle d’El Jadida elle-même. Sur le plan agricole, nos légumes et fruits comptent parmi les meilleures du Royaume, et si nous continuons à faire partie des provinces riches en matière première pour le sucre, nous avons, hélas perdu notre vocation de « grenier » en ce qui concerne le blé et le maïs.
D’autre part, il faut aussi prendre en considération, l’avènement de l’autoroute à la porte de notre ville, ce qui placera désormais, El Jadida à 45 minutes de l’aéroport International Mohammed V, à moins de 60 minutes de Casablanca et à une heure et demi de la Capitale..
Ce sont donc, tous ces atouts et privilèges qu’il faut utiliser à leur juste valeur, pour promouvoir cette province et lui donner le rang qu’elle mérite dans l’échiquier national. Certes, l’appui de l’état pour faire de la province d’El Jadida, un grand pôle économique et industriel est manifeste, seulement, il faut le mériter et le consolider, pour pouvoir contribuer au développement durable de notre pays et être solidaire avec les autres provinces et régions du Maroc, voire même être une plate forme stratégique pour le développement de l’espace régional avoisinant. En d’autres termes il ne faut pas s’asseoir sur ces acquis et attendre que cela se réalise.
Q : Certes, comme vous venez de le souligner, les potentialités économiques de la provinces sont considérables, mais n’empêche qu’on ressent toujours cette impression d’inachevé…qu’est ce qui manque et qu’est ce qu’on peut faire pour compléter ?
Fouad AMMOR : Au fait, ce qui manque c’est tout d’abord une bonne dose de volonté pour aller de l’avant et savoir comment fructifier ces énormes potentialités offertes à la province. Chacun de son côté, industriels comme agriculteurs, autorités provinciales, élus, CRI et CRT, doivent travailler en étroite collaboration pour avoir une vision précise de leurs actions, car il est inconcevable qu’avec les différentes chambres de la place, on continue à ignorer ce potentiel, sans pouvoir pour autant, harmoniser les efforts pour dégager une vision pour le moins qu’on puisse dire, claire, de l’avenir de cette province
La logique, aurait voulu qu’on commence par une restructuration, et ce, en définissant les objectifs et les priorités, par le recensement des moyens existants, en terme de ressources humaines, d’équipement ou de biens et services, mais aussi en moyens de financements. Ce n’est que lorsqu’on aura assaini sur le plan interne que l’on pourra avoir toutes les chances de pouvoir drainer vers notre province les investisseurs nationaux et étrangers.
Nous avons aussi le devoir et même l’obligation d’aller de l’avant pour être à la hauteur des attentes de notre Roi, et des ambitions d’une population, principalement jeune et surtout, en mesure de relever tous les défis d’avenir, si toutefois, on lui donne l’opportunité.
Les autres domaines, où il y a lieu de travailler davantage pour mieux réussir le processus de développement de la province d’El Jadida consistent dans l’approche elle-même et dans la manière d’appréhender tout retard de ce processus.
Il faut souligner qu’actuellement, nous enregistrons un retard flagrant en matière de communication, très peu de choses sur les potentialités de la province sont mises en évidence sur la scène nationale ou internationale. Nous accusons un déficit notable, en matière de rencontres avec les opérateurs économiques, tous secteurs confondus. Nous ne drainons pas, ou peu des visites ciblées d’hommes d’affaires, ou de décideurs pour éclairer l’opinion locale sur les différentes mutations que connaissent les secteurs d’activités. Car de nos jours, il devient essentiel de multiplier les rencontres sous forme de débats avec les représentants de l’administration centrale, et je fais allusion ici, à l’Office des Changes, à l’Administration de la Douane ou à la Direction Générale des Impôts, aux banques, à la Direction des Investissements… bref à l’organisation sur le sol de la province des rencontres intéressantes qui peuvent drainer vers la province les détecteurs d’opportunités d’affaires.
Car si nous voulons réellement être un deuxième pôle économique du Royaume, il va falloir comprendre d’abord et être convaincu et avoir la maîtrise, en plus de nos potentialités, de nos arguments de vente et être au courant de ce qui se passe dans notre pays, dans celui de nos voisins et tout autour de nous pour être en mesure d’offrir le meilleur produit possible à tous ceux qui croient ou peuvent croire en cette province. Tout ce que je viens de citer peut être facile à obtenir ou à réaliser avec les moyens de communication et d’information mis à notre disposition par les technologies nouvelles, il suffit d’avoir la volonté de prendre l’initiative.
Concernant les avantages dont nous disposons, et qui peuvent jouer un rôle déterminant et sceller au mieux l’avenir de notre province, je peux m’étaler sur une multitude d’exemples : la province d’El Jadida est l’une des plus grandes provinces du Royaume avec ses 52 Communes, dont une d’elles compte parmi les plus riches du Maroc, mais qui ne reflète pas l’image de cette position. La province est aussi la mieux représentée dans les deux chambres avec ses 18 élus, qui doivent être conscient, entre autres, du fait que pour réussir le pari du développement du parc industriel de Jorf Lasfar, il faut que l’autoroute arrive jusqu’à Jorf, et non pas s’arrêter à la porte d’El Jadida.
J’ajoute à cela que la Province d’El Jadida est l’une des rares province qui a eu le privilège de disposer d’une annexe de CRI, et c’est là un autre signal fort de l’Etat envers cette province. Faut-il garder tous ces atouts d’un grand espace économique, industriel et touristique, cloués au sol et se contenter de la position géographique de voisin du grand Casablanca, qui ne dispose plus de suffisamment d’espace pour s’agrandir d’avantage ?
Avec tous les atouts cités, et qui ne sont pas des moindres, ne serait-il pas judicieux de s’inspirer des modèles des exemples de certaines villes ou régions avec les quelles, la province d’El Jadida a signé des accords de jumelage, pour développer un secteur déterminé ? L’exemple de la région du Nord de Pas de Calais qui organise chaque année un carnaval de 8 à 9 semaines, est édifiant en la matière. Pourquoi ne pas faire des échanges avec cette région et s’inspirer de ce qu’elle peut apporter et offrir à la province… et là, je pense aux incubateurs de la zone industrielle qui peuvent trouver des débouchés à l’export avec le soutien des autorités locales et de la Chambre de commerce et d’industrie de Dunkerque et ceci dans un cadre de partenariat et des échanges avec cette région.
Il faut prendre des initiatives pour aller à la recherche d’opportunités de travail et d’affaires, participer dans les différentes foires et rencontres internationales, étudier toutes les possibilités de financement sectoriel offertes par les institutions financières internationales et nationales. En d’autres termes, il faut adopter une nouvelle approche dynamique de proximité dans notre comportement de tous les jours pour se distinguer et profiter amplement de cette position de second pôle économique du Royaume.
Q : Est-ce que vous concevez qu’un mariage « Tourisme et Industrie » peut réussir dans la province d’El Jadida ?
Fouad AMMOR : Ma réponse immédiate est oui, mais à condition de prendre en considération tous les aspects environnementaux, et sécuritaires. Il ne faut pas non plus rendre cette province une poubelle de déchets. Car s’il est vrai qu’on ne peut pas préparer d’omelette sans casser des œufs, il est aussi nécessaire de veiller au bien être des populations concernées.
Actuellement, nous avons des exemples, dans notre province, qui peuvent témoigner en faveur de la réussite de cette combinaison, ce qui veut dire que le tourisme et l’industrie peuvent cohabiter, à condition qu’il existe une volonté et une prise de conscience des responsables et des industriels à faire le nécessaire pour protéger l’environnement et la sécurité des personnes.
Il est aussi vrai qu’en cas d’absence de textes précis réglementant tous les aspects environnementaux et sécuritaires, il devient difficile d’écarter certains aspects anarchiques en matière de respect des normes environnementales. Fort heureusement que dans notre province les industriels implantés respectent, en majorité les normes de l’environnement et de la sécurité,et c’est notamment le cas de la société JLEC, de l’OCP et de SONACID, pour ne pas citer que ces trois grandes sociétés installées à Jorf Lasfar, qui consacrent de lourds investissements, dans le domaine de la protection de l’environnement.
Toujours est-il que je reste convaincu, que le mariage industrie-tourisme, est un autre pari, qu’on pourrait aisément relever dans la région,à condition que les uns et les autres dépassent certains aspects d’égoïsme
Q : Puisque la problématique de l’énergie, fait partie des questions de l’heure, est ce qu’on peut savoir comment se porte le secteur de l’électricité au Maroc ?
Fouad AMMOR : depuis le début des années 90, qu’il fallait adopter une autre politique en matière d’énergie électrique, avec une approche plus libérale. Cette politique qui consiste à permettre aux investisseurs privés Nationaux et Internationaux de produire de l’électricité, dans le cadre concessionnel, comme c’est le cas notamment de centrale électrique de Jorf Lasfar, et du cycle combiné de Tahaddart, qui ont été réalisé dans cette optique.
D’autres projets connaîtront certainement le jour, peut être sous la même forme ou une autre, en raison de la volonté du Maroc, d’aller de l’avant et de libérer ce marché …seulement, il faut faire vite, pour faire face à la demande croissante de cette énergie, estimée à une augmentation moyenne de 8% par an, ce qui nécessitera une unité de production de 300 MW, tous les deux ans.
De ce fait, je pense qu’on n’a plus droit à l’erreur, et il faut étudier toutes les opportunités qui peuvent s’offrir en la matière, tout en exploitant les différentes sources d’énergie, qu’elles soient conventionnelles ou renouvelables.
D’ailleurs, pour les énergies renouvelables, le Maroc, de par sa position géographique et climatique, dispose de plusieurs régions qui peuvent accueillir des centrales éoliennes et solaires.
Aussi, les deux câbles (2x700MW), de l’interconnexion avec l’Espagne, peuvent toujours être d’un grand support pour le Maroc, avec la libéralisation du secteur de l’électricité.
Propos recueillis par : CHAHID AHMED
m.ahmedchahid@yahoo.fr