PREFACE DE : Abdelouahed MABROUR
La photographie, considérée comme art de la communication ambiguë, permet de connaître et de faire connaître. Connaître, c’est voir et donner à voir. Voir, écrit Paul Eluard, « c’est comprendre, juger, transformer, imagier, oublier ou s’oublier, être ou disparaître ».

Si, d’habitude, l’image, en général et plus particulièrement la photographie, a un statut d’illustration du texte, un attribut mis au service de ce dernier, dans la mesure ou elle donne à voir ce que dit le texte, les auteur de ce livre ont choisi– et c’est un choix que je trouve réussi – la structure inverse: le message linguistique accompagne l’image consolidant, par là, son autonomie et son pouvoir évocateur.
Les auteurs du livre, tels que je les connais, sont particulièrement sensibles au passé (mais dans sa relation au devenir) d’El Jadida. Leur travail, il faut le souligner, met ensemble ce que Roland Barthes appelle les trois « discursivités photographiques » : la « photo d’art », la « photo d’amateur » et la « photo de reportage »1. C’est une invitation au voyage, une invitation à remonter le temps au travers de dizaines de photographies, dont une bonne partie revêt une incontestable valeur historique. Le lecteur, ou pour être plus précis le « regardant », quand il ne se reconnaîtra pas dans ce qu’il voit, approchera la photo par son caractère « indiciel », de « marquage » du public par le privé et/ou interrogés par l’ (œil de) l’objectif, et reconstituera ; à sa manière et en fonction de ses sensibilités, une partie de la mémoire de cette ville.
La portée des photos présentées dans ce livre, est-il besoin de le rappeler, ne se limite pas uniquement à l’acte d’illustrer. Ces photos apportent plus. Elles informent. Elles donnent sens. Elles montrent ce que les mots, seuls, ne peuvent pas dire.
Ce projet porté par Mustapha LEKHIAR et Ahmed CHAHID, depuis plusieurs mois, permet la rencontre avec les lieux connus ou simplement rêvés. Il permet également l’échange de regards ; d’expériences, de sentiments,…Il contribue à faire changer la perception qu’une bonne partie des habitants d’El Jadida, surtout les plus jeunes ou ceux fraîchement installés, a de sa ville. Beaucoup de photos surprennent. Elles nous apprennent des « choses » sur El Jadida et sur son passé. Elles nous invitent à nous positionner, à prendre conscience du rôle du Citoyen que nous sommes tous, à nous mettre en question …
Ces instants arrachés au temps retiennent, l’espace d’un instant, un témoignage (architectural ou autre), un bout de vie, une émotion… Les photos ont imprimé – et c’est là la fonction de marquage de l’image – ce qui existe encore, ce qui sera « autre chose » et ce qui ne sera plus : cité portugaise, phare, grande place, théâtre, poste, jardins, hôtels, casino…
Cet « album » donne d’El Jadida, la MAZAGAN PORTUGAISE, une image –ou plutôt des images – qui vont ravir les lecteurs et, surtout, les Jdidis amoureux de leur cité tournée vers l’avenir comme source de promesses…