Comme à l’accoutumée, l’atmosphère est encore une fois très tendue ce matin-là, au niveau de la poste principale d’El-Jadida.
De part et d’autre du long comptoir où sont installés les différents postes de service, l’humeur n’est pas au beau fixe et la journée s’annonce rude dans cette fournaise de début d’été.
Face à l’immense foule qui a submergé très tôt, tout le hall d’attente de ce qui est censé être un service public, les six guichetiers s’apprêtent avec stoïcisme et témérité à contenir ce nouvel assaut d’une clientèle toujours pressée, dans la cohue et une indescriptible bousculade.
C’est dans ces conditions que commence donc la nouvelle et infernale journée pour ces guichetiers pas comme les autres et dont la charge est de répondre, à eux seuls, à la pression de tous les usagers, dans une ville qui frise de nos jours les 200.000 habitants.
Pas moins de 200 opérations par guichetier et par jour, où s’entremêlent toutes les formes de transfert d’argent, l’épargne, les retraites, le courrier et messagerie, en plus des autres produits des partenaires tels Western Union, Maroc Telecom, société de crédit … un vrai parcours de combattant qui commence à peser lourd sur l’endurance du personnel de cet établissement public et soulève des réactions du milieu syndical.
Dans un communiqué du Syndicat national des postes et des télécommunications (F.D.T.), section d’El-Jadida, on retrouve bien cet air de malaise qui est lié aux conditions de travail et surtout à l’insuffisance de l’effectif, dont le nombre est appelé encore à s’affaiblir à la suite des départs volontaires.
Dans le même ordre de revendications, le syndicat met aussi l’accent sur le côté sécuritaire qui prévaut au niveau de la salle des départs, représentée par une simple mezzanine de 4m sur 4m et où sont confinées près de 20 personnes au moment du tri du courrier. Cette situation est d’autant plus dangereuse que la mezzanine en question se trouve à proximité de deux grands transformateurs électriques (RADEEJ et Centrale téléphonique).
Les citoyens d’El-Jadida, eux aussi, ne cessent de s’interroger sur les raisons de cet immobilisme qui a toujours marqué le service public censé adopter une stratégie de proximité surtout dans une ville comme El-Jadida qui évolue tant sur le plan démographique, urbain qu’économique.
El-Jadida, dont le périmètre urbain a presque doublé tout en accusant une poussée démographique sans précédant depuis quelques années, n’a nullement évolué du point de vue couverture postale. Aujourd’hui encore, elle ne dispose en tout et pour tout que d’un bureau central qui concentre toutes les opérations pour une population de l’ordre de 200.000 habitants passible de doubler durant la saison estivale, en plus d’un bureau de 4ème catégorie au quartier Najd et d’un guichet annexe à Bouchrit.
Cette situation n’a pas manqué également de faire réagir le bureau local du Syndicat des postes et télécommunications qui fait état de cette déficience, qui est loin d’arranger le personnel de la poste et encore moins une clientèle qui appelle aujourd’hui à être rapidement et mieux servie.
Face à cet état de fait, le syndicat appelle à la création d’un nouveau bureau ainsi que d’autres annexes afin de répondre convenablement aux besoins de proximité des citoyens d’El-Jadida tout en assurant de meilleures conditions de travail au personnel de cet établissement public qui, malgré toutes les défections, parvient à se classer en tête du point de vue rentabilité, dans le cadre des objectifs de réalisations commerciales, tracés par la direction régionale de Settat et qui englobe Khouribga, Beni-Mellal, El-Jadida et Settat.
L’autre anomalie relevée par le syndicat et qui ne manque pas de soulever aussi la réprobation des citoyens de plusieurs quartiers d’El-Jadida, a trait aux tournées de distribution du courrier.
Aujourd’hui, il s’avère que plus de 40 quartiers de la ville n’ont pas droit aux services des facteurs, et ce, en plus des quartiers nouvellement aménagés. En terme de grandeur, cela équivaut à près de la moitié du périmètre bâti d’El-Jadida qui n’est pas desservi et dont les habitants se trouvent dans l’obligation de quêter une domiciliation chez des proches ou des amis, résidant dans les zones où … opère le maigre effectif des facteurs qui sont au nombre de 14 agents.
Pour un immobilisme, il y a vraiment de quoi faire râler les citoyens et légitimer les revendications syndicales de cette centrale. Cela nous donne aussi l’opportunité de lancer un coup d’œil sympathique et de compassion au personnel de cette poste qui ne peuvent longtemps subir l’assaut des clients et la léthargie administrative.
Chahid A. – Libération du 10-06-2004