Les marins de l’ancienne époque l’appelaient « le radeau de terre ». Normal donc, puisque son premier noyau urbain, reconnu sous le nom de Lebraïja, converti au milieu du 16ème siècle en forteresse Portugaise, a été édifié sur la pointe d’un plateau rocheux très avancé dans la mer.
C’est dire qu’El Jadida, que certains chercheurs qualifient encore de fille des océans, avait toujours su garder au fond d’elle-même, cette intime et étroite relation avec l’immensité Atlantique, qui reste à la fois source de son histoire d’antan et garante de ses chemins d’avenir.

L’autre maître atout qui distingue El Jadida, mais qui reste malheureusement peu connu et jusqu’à présent totalement sous exploité, découle du fait que ce même plateau rocheux sur lequel la ville a été fondée, se prolonge par une gigantesque chaussée sous marine qui longe la baie sur toute sa longueur, la protégeant ainsi de l’agressivité des mauvaises houles. Et c’est ce rempart naturel qui donne à la plage d’El Jadida, sa spécificité de bassin calme, et sans le moindre danger pour les baignades, les petites croisières en barques légères ou encore l’édification d’ouvrages sur mer, comme l’attestait le fameux casino, qui faisait autrefois l’attraction touristique principale de Mazagan.
Toutefois, si on s’est permis d’évoquer aujourd’hui ces quelques facteurs peu commun aux autres villes côtières du pays, c’est surtout par souci de souligner à quel point, la capitalisation de cette précieuse donne maritime, pourrait s’avérer porteuse de grands intérêts tout en représentant une plus value inestimable en matière d’innovation touristique. Un créneau, aujourd’hui plus que jamais à l’ordre du jour dans l’agenda de la capitale du doukkala, qui aspire à confirmer sa place dans le cercle des grandes destinations touristiques par le biais de la station Mazagan, dont la capacité d’accueil serait de l’ordre de 10000 lits à l’horizons 2012.
Un fait est certain. El Jadida, qui a toujours su garder vivace une promiscuité complice avec cette mer nourricière, ne peut respirer aisément qu’en se réconciliant avec cette grande bleue qui la couve de presque tous les côtés. Et c’est dans cette logique d’idées qu’on peut assurer, sans crainte d’être contredit, que la mer peut encore et toujours jouer un rôle central dans le développement socio-économique local , voire même régional. Un développement dont les horizons s’annoncent des plus prometteurs, mais qui appellent aussi à l’excitation de l’imaginaire de tous ceux qui sont censés orienter ce grand chantier qui marquera l’avenir de cette ville.
Il est vrai que les ambitions des décideurs ne tarissent pas , comme il est tout aussi vrai que tous les projets en ce sens n’ont jamais dépassé le stade des rêves, toujours aussi merveilleux les uns que les autres, mais qui restent malheureusement sans lendemains. On avait beaucoup salivé pour la réalisation d’une marina, on avait poussé l’audace jusqu’au point d’imaginer la reconstruction de l’ancien casino sur mer, on patine toujours sur le projet de création d’une nouvelle corniche qui longe toute la partie sud d’El Jadida vers Sidi Bouzid, avec l’ouverture du Boulevard Annasr ….Résultat ? La déception à répétition et le scepticisme généralisé.
Aujourd’hui encore, on croit savoir que les feux de la rampe sont une nouvelle fois braqués sur le petit port de pêche d’El Jadida, dont l’enceinte étouffe douloureusement la ville, tout en la privant d’un épanouissement appréciable et légitime.
Ouvrir El Jadida sur son petit port de pêche est un projet qui ne date pas d’aujourd’hui. Seulement toutes les tentatives, aussi timides soient-elles et qui ont été initiées en ce sens, se sont toutes fracassées contre l’intransigeance des gérants de l’espace portuaire, et la faiblesse de l’argumentaire des négociateurs qui leur font face.
Pourtant, depuis le classement de la cité Portugaise en tant que patrimoine universel, tout un pan de cette majestueuse forteresse, dont justement la rade qui date du 16ème siècle et la porte de la mer, restent inaccessibles aux visiteurs et peu valorisés, du fait de leur situation dans l’enceinte du port de pêche.
De ce fait, il serait vraiment regrettable, pour ne pas dire préjudiciable, d’amputer ce patrimoine mondial de ses pièces maîtresses, au moment où le grand défi touristique auquel s’est engagée El Jadida et sa province, s’appuie fortement sur ce label de l’UNESCO et les retombées non négligeables qui peuvent en découler.
Ouvrir le petit port d’El Jadida sur son environnement, c’est aussi le meilleur moyen de le faire sortir de sa léthargie et du coup accélérer sa mise à niveau, en tant qu’espace structuré, apte aux promenades et aux dégustations du poisson frais et fruits de mer, dont il détient la vocation.
De même que ce serait là, l’issue la plus recommandable en mesure de revitaliser cet espace portuaire dont la quasi totalité du terrain qui le compose est à l’abandon, avec des hangars sous exploités ou menaçant ruine, des bassins d’eau saumâtre qui empestent l’atmosphère, et un marché informel de vente et grillades de poissons, dont les conditions hygiéniques laissent à désirer.
Faire d’El Jadida et son port deux entités complémentaires, se fondant l’une dans l’autre, s’impose de nos jours comme un passage obligé, en mesure d’harmoniser la mise à niveau de l’ensemble de la ville, tout en valorisant au mieux sa principale issue maritime.
Ce serait là aussi, une des plus sérieuses opportunités pour activer le développement humains des jeunes marins pêcheurs, qui se bousculent au portillon (plus de 1000 petites embarcations reconnues), en les impliquant par leur intégration dans des circuits touristiques orientés vers les petites croisières, ou les parties de pêche artisanales, dans la baie d’El Jadida qui s’apprête justement à ce genre d’activité.
Aussi, et dans l’attente que cette douce brise marine qui souffle chaque matin sur tout El Jadida, puisse réveiller les consciences et impulser les décisions, notons tout de même que la seule consolation dont peuvent jouir de nos jours les Jdidis et les visiteurs de cette charmante ville, a trait au réaménagement de l’esplanade qui longe toute la plage. Un acquis certes, mais qui reste toujours en deçà des ambitions citoyennes et des opportunités de richesses qui sommeillent en marges de prospections sérieuses et réfléchies des espaces maritimes.
CHAHID AHMED
m.ahmedchahid@yahoo.fr