L’effervescence était bien trop particulière, mardi dernier au petit port de pêche de la ville d’El Jadida. Il faut dire que l’événement a de quoi susciter la curiosité d’un clientèle forcément matinale, en quête de poisson « vivant », tout en incitant l’intérêt des mareyeurs qui peuplent de moins en moins la hale, en raison de la pénurie en matière d’offre poissonnière, que le secteur de la pêche n’arrête pas d’enregistrer tout au long des deux dernières décennies.
Une frêle embarcation de pêche artisanale, remorquant dans son sillage, un poisson aussi noble que le thon rouge, d’un poids de 230kg, est un spectacle peu coutumier, dans les eaux poisseuses du petit port d’origine portugaise. Une prise qui entre dans l’ordre de l’exceptionnel, puisque la dernière « visite » de cette espèce aux quais d’El Jadida, remonte bien à l’année 1997, lorsque le bateau Doukkali a fait sensation en ramenant dans ses cales deux pièces de thon rouge d’un poids global avoisinant les 900 kg.
Bien que la prise de mardi relève de l’inespéré, surtout si l’on se réfère aux moyens rudimentaires de la pêche artisanale et au champs d’action limité de ses opérateurs, son prix de vente s’est fixé à 12000 dh, au moment même où certaines revues spécialisées relatent le prix record de 75000 Euros, pour une pièce de thon rouge dont le poids est de 128 kg… seulement, cela se passe dans une hale japonaise, comme le mentionne la dernière édition de la revue « Pêche en mer »
Toujours est-il que pour notre bienheureux élu du destin à El Jadida, cette prise providentielle fait figure de belle aubaine, n’ayant pas manqué de susciter un air de convoitise à peine voilée de la part de ses collègues de métier tout en réveillant en eux cet espoir naissant pour un éventuel retour de ce généreux poisson dans les eaux côtière d’El Jadida.
Il faut souligner que l’apparition du thon rouge, dans la culture des pêcheurs a toujours été synonyme de ces signes avant coureur, qui annoncent à la fois le beau temps et une abondante saison de pêche, nous confie un ancien armateur local, qui ne cesse pas de rappeler, avec grande amertume, que pas plus loin des années 70, le port d’El Jadida était considéré comme la capitale Nationale du thon rouge, autant que Safi représentait la capitale mondiale de la sardine.
Le thon rouge, plus connu sous sa dénomination anglaise Bleu fin, obéit depuis toujours à un rituel migratoire de masse dans tous les océans et mers. Dans son périple séculaire, le thon qui nous intéresse fait son départ à partir des eaux australiennes, en bans énormes, pour longer les côtes Marocaines à partir du mois de Février, avant de rejoindre les eaux chaudes Méditerranéennes, où il séjourne durant toute la saison de sa reproduction.
Ce pèlerinage qui est bien codé par les professionnels de la pêche Internationale, fait aujourd’hui figure de circuit du massacre. Le thon rouge qui très côté sur les marchés internationaux, surtout au Japon (Sushi oblige), se fait rare de nos jours. Pire encore, cette espèce de poisson parfois géant et dont le poids unitaire peut atteindre la tonne, est considéré par les scientifiques et les écologistes, comme étant en danger e disparition. Malgré les systèmes des quotas et des réglementations en vigueur, le stock de la Méditerranée est menacé d’effondrement pour des raisons liées à la surpêche, aux pièges des madragues et surtout à l’intensité d’une demande de plus en plus pressante.