Décidément, El Jadida restera encore longtemps la ville de toutes les exceptions, même celles qui comptent parmi les plus insolites ou les plus scandaleuses. Finalement il n’y a qu’à El Jadida que l’on puisse tolérer le massacre comme celui du Parc Mohammed V, sans que cela puisse déranger les gérants de cette cité ou du moins inquiéter sa société civile dont nombre de ses éléments se targuent souvent d’être parmi les défenseurs des espaces verts ou de la nature en général.
En autorisant des spectacles de masse au sein même du plus ancien des parcs d’El Jadida voire du pays, les responsables de cette ville ne sont pas pour ignorer que de telles décisions, qui rallient des milliers de jeunes et beaucoup d’énergumène, est une condamnation directe et sans appel d’un espace vert très fragile et qui est censé être protégé et soigneusement mis à l’abri de tout acte de vandalisme.

Plus Jamais ça
La dernière tournée de « Jawla », organisée par Ittisalat al maghreb qui a installé sa gigantesque scène au centre même du parc Mohammed V, n’a laissé finalement derrière elle que désolation et profonde indignation de la part de nombreux Jdidis qui avaient toujours su estimer à sa juste valeur l’importance tant historique que patrimoniale de cette mémoire vivante de la ville.
Les dernières victimes de ce massacre qui dure depuis des années ne sont autres que ces arbres mythiques auquel les anciens attribuaient des vertus magiques et qui proviennent des Iles Canaries. Certains les appellent les dragonniers, nous et tous ceux de notre génération on les nommait les « arbres de l’amour ». Nombreux sont les jeunes des années 70 et 80 qui y ont accroché une partie de leur cœur, transpercée d’une petite fléchette avec leur initiales gravées sur des troncs qui semblent saigner à chaque égratignure… cela remue beaucoup de souvenirs mais passons, l’heure d’aujourd’hui n’est plus à ce genre de sensibilités.

Massacre des Dragonniers
Il faut dire que de l’autre coté de la barrière, les arguments qui sont avancés par quelques responsables pourraient paraître recevables par certains pragmatiques qui soulignent que tant qu’El Jadida ne dispose pas de place digne de ce nom et en mesure d’abriter des spectacles d’une telle envergure, alors autant faire avec ce qui est disponible. Un semblant de réponse peu convainquant et qui nous ramène à la case du départ pour nous replonger encore une fois dans l’absurdité des exceptions dont fait preuve El Jadida… une ville aux mille et une histoire et événements mais qui ne dispose même pas d’une place honorable pour fêter ces acquis.
Il faudra remonter un peu de temps en arrière pour comprendre les raisons qui ont amené les responsables d’autrefois à opter pour le sacrifice de la partie centrale du parc Mohammed V, qui était toute en fleurs et drastiquement protégée et bien entretenue. L’annonce de la fête de la jeunesse de Feu S.M Hassan II qui devait se tenir à El Jadida en 1994 avait brusqué le gouverneur de l’époque qui ne disposait d’aucun espace digne de recevoir un tel événement.
M. Ahmed Arafa n’avait alors d’autres choix que de raser l’ancien tissu urbain qui forme tout le pâté de commerces en face du théâtre municipal (Un autre vieux rêve de tous les Jdidis) ou raser une partie du parc Mohammed V en remplaçant la verdure par le goudron. Devant la difficulté de réaliser la première option qui touche à l’intérêt de nombre de citoyens, le choix s’est donc porté vers la solution la plus aisée et la plus rapide, mais sous l’engagement de donner à ce parc beaucoup plus merveilleuse après cet événement historique. Aujourd’hui encore nous sommes toujours à attendre…Godo.
La place « Jawhara »
Au-delà de ses aspects festifs et culturels, le festival international Jawhara aura au moins le privilège de faire doter la ville d’El Jadida d’un espace exceptionnel, situé aux pieds des murailles de la Cité Portugaise qui est classée patrimoine universel par les instances de l’Unesco.
La récupération de cette partie de la ville est aujourd’hui considérée comme une plus value d’importance inégale, d’autant plus que cette place qui est gigantesque ouvre largement El Jadida sur ses horizons maritimes… un vieux rêves qui a fait suer nombres d’anciens responsables et qui fait de jours, partie de la réalité. Toutes nos félicitations aux responsables de cet exploit.
Mais en attendant, tous nos espoirs restent accrochés au fait que cette place que nous plaçons désormais sous le nom de « Place Jawhara », puisse servir à sauver le Parc Mohammed V en plus de son rôle de véritable scène flottante dans le cadre d’un décor des plus réels.
N.B : Pour tous ceux qui ne connaissent pas le dragonnier des canaries ou « l’arbre de l’amour » d’après les anciens jdidis ; cet arbre se caractérise par un tronc unique ou multiple qui peut atteindre les 12 mètres de hauteur. C’est un arbre qui se développe lentement, nécessitant une dizaine d’années pour atteindre 1 mètre de hauteur.
Selon le catalogue des espèces végétales à El Jadida, réalisé par Sabah Ismaily sous l’encadrement de Najoua Moundib « Les gens attribuaient à cet arbre des vertus magiques et à sa résine des propriétés thérapeutiques. Les anciens romains l’utilisaient comme colorant et en faisaient le commerce. On trouve au Maroc des dessins rupestres anciens réalisés avec la résine du dragonnier. »
Les rares spécimens qui existent encore à El Jadida sont au parc Hassan II et au parc Mohammed V là ou justement on vient d’en massacrer une bonne partie sans comprendre la gravité de ces gestes aussi condamnables que gratuits.
Chahid Ahmed
Articles sur le même sujet :
ESPACES VERTS D’EL JADIDA DEFICIT ALARMANT ET SILENCE COUPABLE