L’art de la chasse au vol, plus connu sous le nom de la fauconnerie, retrouverait-t-il finalement ses lettres de noblesse ? Les efforts consentis par les derniers fidèles de cette discipline qui n’ont jamais cessé de militer pour la sauvegarde de ce patrimoine multiséculaire seraient-ils récompensés en fin de compte ?
En tout cas, les informations qui nous sont parvenues de sources autorisées et concordantes sont annonciatrices de bonnes nouvelles. La fauconnerie est aujourd’hui en phase de classement sur la liste du patrimoine immatériel mondial. Un acquis de grande valeur qui ne fait que rétablir dans ses droits légitimes un patrimoine de haute signification culturelle et historique, d’autant plus que son implantation n’obéit à aucune logique frontalière et ses racines se diluent dans la nuit des temps.
Tout récemment, des sources proches du ministère de la culture nous ont confirmé que les membres de la commission des experts relevant du comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel de l’UNESCO, ont opté à l’unanimité pour le classement de la fauconnerie sur la liste du patrimoine immatériel mondial, et ce, lors e l’assemblée ordinaire tenue à la maison de l’UNESCO, à Paris, le 18 Juin 2010.
Ces mêmes sources nous ont aussi informé que l’annonce officielle de cette distinction de grande importance sera rendue publique lors de la prochaine session du comité intergouvernemental de l’UNESCO qui aura lieu à Nairobi au Kenya au cours du mois de Novembre prochain.
Il faut souligner que cette réussite dans un domaine aussi peu connu de nos jours est le fruit d’efforts conjugués auxquels ont adhéré plusieurs pays, en l’occurrence, le Maroc, les Emirats Arabes Unis, l’Espagne, la Belgique, la Tchéquie, l’Arabie Saoudite, la Slovaquie, la Syrie, la France, le Qatar, la Corée, et la Mongolie. Tous ces pays ont fait cause commune afin de sensibiliser les instances internationales sur la nécessité de la sauvegarde de cet art de chasse au vol, reconnu comme étant des plus nobles et des plus anciens.
Ainsi donc, le Maroc n’est pas entré par la petite porte dans cette cours des grands représentée par un univers particulier où seuls quelques initiés de par monde militent encore pour conserver les traces de cette tradition multiséculaire qui a connu autrefois un véritable âge d’or.
Aujourd’hui comme hier, il est toujours difficile d’évoquer la fauconnerie du Maroc sans se référer à cette fameuse tribu lekouassems de Doukkala, dont le fief incontesté est solidement ancré au Douar Smâala d’Ouled Frej, là où toutes les familles ne connaissent que le langage du faucon et de la fauconnerie. Une solide communion entre le maître et le rapace qui n’a jamais perdu de sa teneur et encore moins de son originalité.
Rendre un vibrant hommage aux anciennes générations qui ont veillé sur la pérennité de cette tradition ne ferait que rétablir l’histoire dans ses droits, et l’histoire de la fauconnerie de Doukkala comme toutes les autres, appelle à la reconnaissance envers les hommes qui l’ont façonnée ainsi qu’au soutien de ceux qui continuent à porter haut le flambeau de sa continuité.
Faut-t-il rappeler à certaines courtes mémoires que les fauconniers d’Ouled Frej avaient constitué depuis longtemps le dernier rempart de protection de cette tradition au moment où elle avait disparu un peu partout dans le monde ? Faut mettre à nu l’amère vérité des années 80 qui a forgé le premier front de résistance des fauconniers d’Ouled Frej lorsqu’il était question de délocaliser cette tradition vers d’autres cieux ? Faut-t-il rappeler le courage de feu Si Ben Othmane, ce grand maître fauconnier qui disait toujours que la fauconnerie est aussi fidèle que ces nobles rapaces qui font sa grandeur, ces derniers auront beau errer dans les cieux azurés des doukkala, mais ils ne perdent jamais le sens de l’orientation, puisqu’ils reviennent toujours vers leurs maîtres et leur terre d’attache ?
Ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut jamais dénaturer le cours de l’histoire, tant que ses chapitres restent ouverts et s’imposent que ce soit à travers la mémoire des acteurs qui ont forgé les événements ou sous les plumes indélébiles les éminences qui les ont consignés pour la postérité. Et ce n’est pas par pur hasard ou de manière fortuite que l’éminent historien le Docteur Abdelhadi Tazi a mis l’accent qu’il faut sur les fauconniers lekouassems d’Ouled Frej, en les citant comme étant des derniers gardiens de ce patrimoine et de cette tradition ancestrale au niveau de notre pays.
Il va sans dire, qu’au niveau de Douar Smâala d’Ouled Frej, des efforts considérables ont été consentis par lekouassems depuis qu’ils se sont organisés sous la bannière d’une association dont les objectifs ont été bien définis et âprement défendus avec les seuls moyens de bords dont ils disposent.
Il serait difficile d’énumérer ou de commenter toutes les activités et actions phares sur lesquelles se sont focalisées les efforts de cette association durant prés de deux décennies de son existence. Le travail a été de longue haleine et le reste toujours afin de redorer le blason de cette tradition qui était presque sur la voie de la disparition.
Aujourd’hui, on estime que tous ces sacrifices ne sont pas allés en pure perte puisque les objectifs escomptés sont atteints avec les meilleures des espérances. La fauconnerie chez lekouassems d’Ouled Frej a sainement mûri et ne cesse de tenter les professionnels de différents horizons, connus pour leur attachement à cette discipline de chasse noble. Le fruit est tellement succulent qu’il ne manque pas aussi d’appâter certains « fauconniers » de la dernière heure qui se bousculent effrontément au portillon, sans gêne et sans la moindre connaissance des règles et finesses régissant cette science qui reste à la fois un art de vivre et un héritage aux mille petits secrets.
Reconnaissance
Tout récemment, le Directeur du patrimoine culturel Mr Abdellah Saleh a adressé une lettre de félicitations au président des fauconniers lekoussems d’Ouled Frej, Mohamed El Ghazouani, suite au classement de la fauconnerie sur la liste du patrimoine immatériel mondial.
Le directeur du patrimoine culturel qui a suivi de très prés les démarches qui ont abouti à cette consécration n’a pas manqué de présenter ses remerciements au président des fauconniers d’Ouled Frej, en signe de reconnaissance pour son implication et son étroite collaboration dans l’élaboration du dossier présenté par le Maros, à l’instar des autres pays participants et qui a été couronné par le classement de la fauconnerie sur la liste du patrimoine immatériel mondial.
CHAHID Ahmed