Les visiteurs de Safi, une des villes marocaines les plus anciennes sur la côte atlantique, n’en finissent pas de retenir leur souffle face à la dégradation que subissent les monuments historiques classés de cette cité à l’instar du bâtiment de la Poste qui rappelle à la mémoire toute l’ampleur de l’abandon qui guette ces lieux suintant l’Histoire.
Car, le sort réservé à ce monument, sis Place de l’Indépendance avenue Moulay Youssef et qui remonte aux années 20 du siècle dernier avec toute la splendeur de l’architecture franco-marocaine de l’époque, est loin d’être un cas isolé.
Il n’est en fait que l’illustration patente d’un état des lieux très peu reluisant auquel sont soumis nombre d’autres monuments très anciens de la ville et qui auraient pu servir de levier important de développement si, certains d’entre eux, n’avaient subi de plein fouet les affres de la dégradation les menaçant de disparition même.
Ainsi en est-il de Dar Sultane (la Maison du Sultan), une kasbah fondée au temps des Almohades (12ème siècle) et qui allait devenir, sous le règne du Sultan Sidi Mohamed Ben Abdallah au 18ème siècle, une demeure des rois et princes alaouites suite à la déroute de l’occupation portugaise.
La partie méridionale de la muraille de cette bâtisse, qui abrite, aujourd’hui, la délégation provinciale de la Culture et le Musée national de céramique, souffre manifestement de craquelures et d’effritements en raison d’éboulement du terrain.
La coupole de la Cathédrale portugaise, fondée en 1519 à l’intérieur de l’ancienne médina, n’est pas mieux lotie, à en juger par les fissurations qui la traversent sous les effets conjugués des éléments et de la promiscuité des habitations avoisinantes.
A terme, cette curiosité safiote, connue pour ses gravures, ses décorations et son architecture qui renvoient au monarque portugais Manuel Ier (1469/1521), risque de sombrer et d’emporter, dans les flots de l’Atlantique, un pan entier de la mémoire de toute une époque.
Sur la façade atlantique justement, Ksar Labhar, un autre monument fondé par les Portugais au début du 16ème siècle, continue de tenir tête à l’assaut des eaux qui risquent de l’engloutir après avoir subi tant de coups de boutoir sur la partie occidentale.
Ce monument de forme rectangulaire, aménagé pour accueillir les intendants portugais de l’époque, est doté de trois citadelles qui surplombent l’ancien port, à partir de la partie septentrionale. Il comporte aussi d’anciens canons en bronze, fabriqués en Hollande sous le règne du sultan sâadien Zidane Ben Mansour au 17ème siècle.
A 35 km au sud-ouest de Safi, la forteresse Hamidouche, fondée par le sultan alaouite Moulay Ismaïl (1645/1727) sur l’embouchure d’Oued Tensift pour assurer le passage des caravanes venant du sud vers le nord du Royaume, rend compte d’un autre état désolant.
Seuls les vestiges de ce donjon, témoin d’une puissance qui fut, rendent, désormais, l’écho d’une période où la forteresse disposait encore d’une mosquée, d’un méchouar fortifié, d’une bâtisse intérieure entourée de tranchées d’eaux infranchissables et d’autres dépendances, aujourd’hui, en ruine.
Il en va de même de Dar Al Kaïd Issa Ben Amar, un potentat notoire pour sa tyrannie durant toute une décade du 19ème jusqu’aux années 20 du siècle dernier. Cette demeure qui, à 23 km au nord de Safi couvre une superficie de 25 ha, offre aujourd’hui un pitoyable spectacle de désolation et de ruines.
La muraille surplombant la colline de céramique, qui fait partie des remparts dont une partie a été édifiée sous le règne des Almohades (12ème siècle) et une autre sous l’occupation portugaise (16ème siècle), ne se porte pas mieux, non plus. Il suffit de voir les fissures, les chutes de pierres et les effondrements qui affectent ce lieu pour se rendre compte de l’ampleur du gâchis.
Plus au nord de Safi, à 64 km sur la route côtière vers El Oualdia, la kasbah « Ayir » n’a à offrir, à la vue des visiteurs, que la tour principale, l’essentiel de ses autres parties s’étant affaissées en faisant les frais de l’abandon.
Aux côtés de ces monuments, dont certains sont classés alors que d’autres menacent ruine à l’image de leurs semblables de la région de Abda, il y a lieu de citer le cas d’un monument non-classé comme celui de « R’hat arrih » (moulins-à-vent), qui abrite le siège de la direction de l’Equipement.
Ce site, fondé au 16ème siècle, qui dispose d’une tour circulaire au cœur de l’ancienne médina et qui était doté (en son temps déjà !!) de deux moulins éoliens et d’autres dépendances, subit la loi de l’omerta, en l’absence d’initiatives portées sur la valorisation de l’architecture et du cachet historique.
A ce propos, Aziz Faskaoui, membre de l’Association Lalla Fatna pour le développement d’Agdal Sahel, estime que les monuments et sites historiques de la région s’acheminent, dans la situation actuelle, vers l’extinction pure et simple.
Il en veut pour preuve les actes de pillage auxquels se livrent « les chercheurs des trésors » et qui s’en prennent en particulier aux mausolées et aux mosquées longeant la route vers El Oualdia « sans respect ni égard aucun aux sépultures et encore moins à la valeur historique des lieux ».
Sur la même lancée, Salaheddine Ben Mamous, de l’association Alliance des Safiotes du monde, soutient que la sauvegarde de ces monuments requiert la mise en place d’une démarche de préservation et de valorisation capable d’enclencher une dynamique de développement qui, basée sur le tourisme culturel, saura intégrer ces sites dans le circuit économique de la province de Safi
MAP