Doukkala Abda : Système portuaire – Port de Safi

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Le système portuaire de la région Abda-Doukkala s’articule autour de cinq pivots maritimes, trois sont opérationnels depuis le XXème siècle, le bassin charbonnier devrait s’achever en 2017sur le lieu-dit Jorf Lihoudi et un centre de réception des hydrocarbures, en cours d’étude, est à implanter au niveau du cap Blanc (Jorf Lasfar).

En ce qui concerne les centres actifs, il convient tout d’abord de citer El Jadida (1930) qui est le pôle fondateur, aujourd’hui dédié à la collecte des algues. Ensuite, il y a Safi, cœur marchand et phosphatier du pays tout au long de la première moitié du XXème siècle ; de plus, de 1950 à 1960, il est le premier de la planète pour les débarquements de la sardine. Puis, le cœur s’est déplacé lentement vers la place de Jorf Lasfar (1982) autour de laquelle se sont greffées les forces de production d’électricité et d’acide phosphorique, ce qui nécessite l’importation du soufre, de l’ammoniac, du charbon et des hydrocarbures.

Port de Safi

Une rade difficile

Côté terre, la rade de Safi est bordée de falaises.

Côté mer, la rade de Safi doit une particulière difficulté d’accès à son exposition aux vents de l’Ouest souvent violents et au relèvement spécial des fonds qui donnent à la houle une force peu favorable aux opérations d’aconage.

Safi est le point de la côte le plus rapproché à vol d’oiseau de Marrakech, cette position en fait le pôle attractif de la capitale du Sud et de son arrière-pays.

Du XIème au XIXème siècle, les fonds de 13 à 16 mètres permettent aux navires de jeter l’ancre à moins de 500 mètres du rivage, la barre rend l’embarquement et le débarquement extrêmement difficiles.

Praticable seulement une partie de l’été, elle les empêche complètement en hiver durant plusieurs jours. Cette gêne cause le détournement d’une proportion importante du commerce de Marrakech vers la rade, plus hospitalière, d’El Jadida.

Malgré les difficultés de la mer, la navigation enregistre un certain mouvement. De nombreux navires mouillent au large et attendent d’être servis par les barcasses. Ces dernières, adaptées aux conditions locales, sont d’un type très petit, effilé et pointu aux deux extrémités. Ainsi, en 1890, le port dispose de 16 barcasses, partagées, moitié pour les voiliers, moitié pour les vapeurs en charge.

Wharf

Dès 1898, les agents de navigation réclament la création d’un wharf permettant de dépasser la barre et d’effectuer plus facilement les opérations d’aconage, même par mauvais temps. L’Administration finit par admettre le principe de bâtir un tel ouvrage.

Plus généralement, sous le règne de Moulay Abdelaziz, le Makhzen identifie une série de travaux à entreprendre d’urgence. Outre Safi, citons, entre autres, Larache à l’embouchure du Loukkos, Rabat à l’embouchure du Bou Regreg, Casablanca, Mazagan et Mogador.

En conséquence, on confie aux Allemands, en 1902, la construction d’un wharf métallique, à 200 mètres environ au Nord du château de mer.

Cet ouvrage, orienté Est Ouest,consiste en une passerelle métallique de 228 mètres de longueur. Il enjambe, à une hauteur de 7.5 m, la barre de sable sur une distance de 228 m, de manière à permettre l’accostage direct des navires. La passerelle métallique a une longueur de 180 m, une largeur de 7.5 m ; sur les 48 derniers mètres la largeur est portée à 10 m. La plate forme est soutenue par des rangées de trois pieux distants de 4 m d’axe en axe. À l’enracinement, les murs de soutènement sont fondés sur du sable. L’outillage comporte une grue de 1 tonne et chaque utilisation est soumise à une autorisation préalable. Mis en service en 1908, il est presque tout de suite détruit sur 70 m (côté mer), par une série de tempêtes.

En 1910, le Sultan Moulay Hafid confie la reconstruction à « La Compagnie Marocaine » . Mais, dans la nuit du 22 au 23 novembre 1911, une tempête exceptionnelle emporte 59 m de l’ouvrage. En janvier et en février 1912, une forte houle emporte les murs du terre plein d’accès et réduit la longueur à 159 m. Ainsi, amputé, il devient inutilisable. Par la suite, on le relie par une passerelle à de nouveaux terre pleins. Mais, la longueur n’étant pas suffisante pour franchir les brisants, le rendement demeure faible malgré une rénovation effectuée en 1913. Puis, au cours de l’hiver 1926, une violente tempête endommage gravement le wharf qui sera définitivement abandonné.

Abri à barcasses

Pour faire face aux assauts des houles océaniques qui fragilisent sans relâche le wharf, les autorités optent pour l’édification d’un abri à barcasses. L’urgence du projet se justifie notamment par une forte hausse du trafic, 69 000 tonnes en 1920, puis 144 000 tonnes l’année suivante.

Il consiste en une jetée de 400 m de long que vient rejoindre un épi transversal de 260 m. La passe d’entrée, de 33 m de large, se situe par des fonds de – 4 m.

En 1921, Schneider & Cie et Hersent J. et G. s’adjugent les travaux définis par le marché du 3 février de la même année. L’ordre de service leur est notifié le 12 mai 1921 par M. Vallet, sous la responsabilité de Monsieur l’Ingénieur Delande, alors en charge du suivi du chantier du port de Casablanca.

La mise à l’eau des blocs artificiels prévus à partir du point métrique 60 (PM 60) nécessite l’acquisition d’un engin de levage performant. Aussi, la grue à vapeur Pinguely (Creusot-Loire), d’une capacité de 45 tonnes, est commandée et réceptionnée en 1921. Sortie des usines en 1911, cette grue restera en service jusqu’en 1969, date à laquelle, elle sera remplacée par une grue Titan.

Les matériaux nécessaires à l’exécution des jetées proviennent des carrières de Jerifat et de Dridat situées respectivement à 5 et 9 kilomètres du centre-ville. Pour leur transport, l’Administration fait établir un chemin de fer à écartement de 1 mètre, comportant un tunnel 1 121 mètres de long.

Le premier enrochement de la grande jetée est officiellement immergé en 1923.

L’état d’avancement des travaux permet, en 1925, la réalisation d’un petit quai d’accostage destiné à faciliter l’embarquement des céréales à l’abri de la jetée principale. Il se compose de trois passerelles pour l’embarquement des céréales. Chacune mesure 70 mètres de long pour aller chercher les profondeurs de 1.50 à 2.00 m.

Chacun de ses appontements à claire voie peut recevoir quatre barcasses à marée haute et deux barcasses à marée basse et donc traiter 800 tonnes de grains par jour.

La cale de halage occupe l’espace mort et contribue à amortir le ressac. La plage ainsi constituée permet l’épanouissement de la mer qui déferle assez vite le long du quai voisin. On l’utilise aussi pour l’échouage des petites embarcations.

Un quai pour caboteurs est prévu le long de la jetée.
En 1925, 390 navires touchent le port, jaugeant un net de 296 000 tonneaux, pour 72 000 tonnes de marchandises transportées.

En 1926, la jetée principale atteint les 400 mètres prévus ; mais pour permettre l’utilisation plus satisfaisante de l’abri à barcasses, il s’avère nécessaire de la prolonger sur 80 mètres. L’épi transversal est également terminé, à l’exception du musoir.

À cette époque, le port dispose d’un remorqueur, d’une vedette à essence, de 31 barcasses de 6 tonnes, d’une barcasse de 15 tonnes, d’une grue à vapeur de 6 tonnes et de deux grues roulantes à vapeur de 2 tonnes.

Les surfaces des terre pleins totalisent 3 hectares et celles des magasins couverts, 3 000 m².

Avec cet outillage, le port peut faire face pendant la belle saison à un trafic journalier moyen de 700 tonnes, avec un pic de 1 200 tonnes. Toutefois, il ne dépasse pas 250 tonnes de novembre à mars.

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Phosphates

La découverte des phosphates par Louis Gentil à Kachkat (actuelle Youssoufia) bouleverse les données sur l’hinterland de Safi.

En conséquence, on abandonne le modeste projet d’abri à barcasses et on lui substitue un projet beaucoup plus ambitieux, en mesure de recevoir des navires minéraliers d’un tirant d’eau pouvant atteindre dix mètres.

L’exploitation des mines de Youssoufia commence en 1931. Le gisement, dit des Gantour, renferme un minerai à forte teneur, de l’ordre de 70%. Les couches, d’une épaisseur moyenne de deux mètres, s’étalent à une quarantaine de mètres en profondeur. On y accède par des « descenderies », tunnels inclinés à partir de la surface du sol. Un réseau de galeries d’abattage complète le dispositif.

Le minerai subit, dans des usines, les opérations du criblage et du séchage. Il est acheminé ensuite par voie ferrée vers Safi. L’établissement de la ligne de chemin de fer Safi Ben Guerir non prévue à l’origine fait l’objet d’une concession en 1929. Elle est ouverte au trafic le 7 mai 1936.

La station des phosphates entre en service courant juin 1936. Elle occupe une surface de 3 hectares environ et comporte un quai de 140 m par fonds de 10 m. La capacité de stockage est de 100 000 tonnes. La cadence d’embarquement par deux portiques mobiles le long du quai est de 1 000 tonnes à l’heure. Les courroies transporteuses pour le stockage ou à l’embarquement totalisent un développement de 3 km.

Âge d’or

Comme déjà mentionné, au milieu des années trente, l’hinterland de Safi s’enrichit de tout le centre phosphatier de Louis Gentil (actuelle Youssoufia) responsable, avec un million de tonnes par an, du quart de la production de phosphate du pays.

Ville nouvelle, Youssoufia est reliée au port par une ligne, spécialement construite à cet effet. Ainsi, la place de Safi se trouve reliée, via Ben Guérir, au réseau ferré de la Compagnie des Chemins de Fer du Maroc qui dessert notamment Casablanca et Marrakech. Un faisceau de voies spéciales, à écartement normal, relie le port et ses quais au réseau général.
En 1942, il convient de signaler l’intermède de l’Opération Torch (flambeau). En ce qui concerne Safi, le but essentiel de l’opération est d’amener en sécurité à l’intérieur du port, le « Lakehurst » ancien ferryboat de la ligne Floride Cuba, chargé de tanks de 28 tonnes du type « Général Sherman ».
Pour revenir aux phosphates, la première usine démarre la production en février 1950.

La fabrication consiste essentiellement en un broyage qui donne un engrais de grande finesse (90% au tamis de 300), particulièrement efficace, surtout dans le cas de terres acides. Équipée de convoyeurs à bandes et broyeurs pendulaires, l’installation débite à la cadence de 5 000 tonnes par mois et exporte la presque totalité de sa production. Parmi les pays destinataires on note le Brésil et la Finlande.

De par son poids dans l’économie nationale et de par la diversité des cargaisons manutentionnées, le port de Safi atteint son apogée à la fin des années 40.

C’est alors le deuxième port du pays après Casablanca.

En 1950, 519 navires touchent le port pour y embarquer 976 260 tonnes de phosphates et 71 181 tonnes de marchandises diverses, soit : 28 000 tonnes de conserves de sardines, 4 445 tonnes de farines de poisson, 20 000 tonnes de céréales (orge et maïs) et 6 000 tonnes de gypse extrait des carrières de la région.

Par ailleurs, les caboteurs y déchargent 22 201 tonnes, composées essentiellement par des ciments, du bois et des carburants.

Outre les phosphates de Youssoufia (Louis Gentil), le port exporte le manganèse de Imini situé dans la région de Marrakech, la barytine du Djebel Ighoud et le gypse des Abda ; en 1958, pour chacun de ces minerais, le trafic atteindra respectivement 36 683, 19 676 et 27 891 tonnes.

Les minerais de fer de l’extrémité occidentale des Djebilet viendront par la suite s’ajouter à son trafic.

Pêche

À Safi, jusqu’au début du XXème siècle, la pêche est marginalisée. L’approvisionnement en poisson de la ville provient du centre de « Souira Kdima » et du centre du Cap Cantin (Bedouza) où quelques canots rudimentaires exploitent les lieux.

C’est vers 1920 que les bancs de sardines sont identifiés dans le littoral de Safi et exploités à partir de 1922 par des senneurs-sardiniers bretons ; ils les conservent sous salaison et barils.

Le nombre de bateaux de pêche va alors augmenter rapidement d’année en année, ce qui permet à une importante industrie de conserves de se créer au Sud de la ville.

Mais, ce n’est qu’après l’achèvement de la construction du port et la fin des hostilités de la seconde guerre mondiale que la pêche prend un véritable essor au Maroc en général et à Safi en particulier.

En 1948, juste après la seconde guerre mondiale, la pêche atteint 23 600 tonnes sur un global national de 55 000 tonnes et dépasse pour la première fois Agadir.

En 1949, la flottille de Safi approvisionne toutes les conserveries du pays et la pêche y devient intensive. Avec l’introduction de la détection des bancs de poissons par sondeur, Safi devient le premier port sardinier du monde.

En 1950, les conserveries fabriquent 1 350 000 caisses d’une boite dite 1/4 club dont 1 205 000 sont exportées, la moitié de celles-ci vers la Grande Bretagne.

En même temps se développe la production des produits dérivés. Seize usines produisent la même année 6 067 tonnes de farines de poisson, contre 1 343 tonnes en 1948 et 536 tonnes d’huiles de poisson, soit cinq fois plus qu’en 1947.

Les tonnages de poisson nécessaires à ces diverses fabrications augmentent sans cesse et c’est pourquoi, on note un développement constant de la flottille de pêche, qui compte à la fin de 1950, 81 sardiniers (contre 57 l’année précédente) et 33 chalutiers sardiniers (contre 24), soit pour ces deux catégories, une jauge globale de 2 781 tonneaux.

Enfin des bateaux immatriculés ailleurs fréquentent également la place et y débarquent leurs prises. De la sorte, les apports de sardine dépassent en 1950, 50 000 tonnes (contre 45 077 en 1949). Ces captures sont pour une forte proportion traitées sur place ; de gros contingents transportés par route permettent d’alimenter les conserveries du Nord.

Une telle activité, surgie en peu d’années, pose de grands problèmes d’exploitation portuaire Des usines se construisent très vite, des bateaux affluent en nombre toujours croissant, mais la capacité du port de pêche demeure inchangée. Il fonctionne donc dans des conditions limites.

Dans les années 1960, Safi est le premier port de pêche du Maroc. Le port arme jusqu’à 130 bateaux et recueille plus de 100 000 tonnes annuelles de poisson (sardines principalement et secondairement thons). La ville fait alors travailler jusqu’à 12 000 personnes dans le traitement du poisson et compte jusqu’à 38 conserveries.

Mais, il y eu la raréfaction de la ressource, associée au développement puissant des ports du Sud, plus proches des bancs de poissons et mieux équipés (Tan-Tan, Laâyoune et Agadir principalement qui occupent les trois premiers rangs dans la pêche marocaine).

Ces éléments vont ramener Safi à la taille d’un modeste port de pêche (un peu plus de 22 000 t enregistrées en l’an 2000, année faste pour la sardine), soit à la sixième place nationale, toutes sortes de poissons confondus et loin derrière les géants de la côte saharienne.

La « Rue de la Sardine » alignait sur 5 km de long, au Sud de la ville, conserveries et usines de sous-produits du poisson. Elle n’est plus qu’une friche industrielle où ne demeurent en activité que quelques rares établissements. La conserverie n’a traité en l’an 2000 qu’un tiers du poisson pêché, le reste étant destiné à la consommation locale.

Années chimie

Safi bénéficie, en 1964, de l’implantation du premier complexe industriel lourd du Maroc, installé sur la côte au Sud de la ville et tourné vers la chimie.

Pour accompagner ce projet, l’OCP décide, dès 1962, d’augmenter la capacité du port. Il finance l’allongement des quais d’embarquement des phosphates sur 110 mètres (plus 35 mètres en tableau). Ce qui porte la longueur du quai à 200 mètres, permettant ainsi le chargement simultané de deux navires de 100 m de long ou d’un gros navire de 15 000 tonnes.

En 1965, avec le lancement de Maroc Chimie I (Superphosphates et phosphates d’ammonium), on pense à doter le port d’un terminal spécialisé. D’où l’idée de revenir au programme des années cinquante : prolonger la digue principale et construire une troisième jetée transversale.

C’est ainsi que dans le cadre du plan triennal (1965 1967), la jetée principale est prolongée de 200 mètres, portant sa longueur de 1 617 m à 1 817 m.

À cette occasion, des investigations sous-marines révèlent la présence d’une centaine de cavités totalisant un volume de 350 m3. De plus, ces vides communiquent avec la mer par de nombreuses galeries.

Faute de crédits et aussi en raison de l’absence de vision, l’exécution des autres ouvrages sera sans cesse reportée, pour être finalement abandonnée.

En 1976, avec le lancement de Maroc Chimie II, l’OCP double la capacité de transformation.

Les deux unités Maroc Chimie valorisent les phosphates clair et noir provenant du centre minier de Youssoufia.

La mise en service des usines Maroc Phosphore I et II, respectivement en 1977 et 1981, entraîne une redistribution des mouvements des matières brutes ou finies. La logistique périphérique, en particulier la livraison ferroviaire du minerai, représente à elle seule tout un programme.

L’OCP, client unique des gisements de Youssoufia et Ben Guérir, valorise ainsi 6 millions de tonnes par an de phosphate. Les capacités de production installées se montent à 1.3 millions de tonnes d’acide phosphorique et 1.2 millions de tonnes d’engrais de différents types. Ces produits sont exportés via le port de Safi vers l’Europe, l’Amérique et l’Asie.

Maroc Phosphore I utilise le phosphate calciné provenant de Youssoufia. Maroc Phosphore II traite le phosphate noir extrait du centre minier de Ben Guerir après lavage préalable à l’eau de mer et rinçage à l’eau douce.

Pour accompagner ces mutations, le port maintient d’abord l’effort sur l’exportation des phosphates de Youssoufia et de leurs dérivés (engrais, acide phosphorique), puis s’outille pour satisfaire l’importation des intrants, Soufre et Ammoniaque. On procède notamment à l’équipement du quai de rive bordant le bassin III.

Depuis 1998, le port de Safi n’exporte que peu de phosphates, 500 000 tonnes en moyenne. Cependant, il draine toujours les richesses du sous sol de l’arrière pays, notamment le gypse, la barytine et le manganèse.

En 2007, pour des raisons de sécurité et d’écologie, l’OCP a décidé de mettre fin à l’import de l’ammoniaque par Safi ; autrement dit, l’Office arrête la production d’engrais ammoniaqués.

Un mot pour l’avenir

Au milieu du vingtième siècle, Safi, grand port de pêche et de commerce très diversifié, avec ses milliers de marins, ses centaines de bateaux et usines, ses chantiers navals et premier port sardinier de la planète pendant un certain temps, va régresser brutalement à partir des années 70, voyant ses conserveries fermer et ses gens de mer acculés à migrer vers d’autres horizons.

Il y a au moins deux raisons à ce déclin et elles datent toutes les deux de 1950, époque de son apogée.

La première correspond à la mise en place de l’écho sondeur à bord des sardiniers. L’homme intervient par des prélèvements de plus en plus importants, venant rompre ainsi un équilibre naturel millénaire.

La deuxième a trait à la transformation des phosphates.

Faiblement intégré dans le tissu économique de la ville, vivant presque en autarcie, le complexe chimique n’apporte aucune valeur ajoutée à la ville ; il contribue au contraire à desservir les intérêts de la Cité en matière de pêche et de tourisme. Cette spécialisation occulte les activités traditionnelles, beaucoup plus riches et diversifiées.

Cette maldonne est de surcroît aggravée par le cannibalisme du port de Casablanca, qui risque lui même, au demeurant, de subir le même sort lors de la mise en service du nouveau port de transbordement à Tanger.

Ce port, qui a tout pour propulser la ville, va échouer dans cette mission.

En instituant une veille, ce déclin aurait pu être évité.
Carrefour routier, ferroviaire et maritime, Safi n’a pas su transformer cet avantage en se tournant vers le multimodal.

Que faire maintenant ?

Safi, ville jeune, est paradoxalement confrontée au syndrome d’Alzheimer.

Il faut donc faire table rase du mirage des phosphates, effacer ses illusions, oublier ses malentendus et dissiper ses effets anesthésiants.

En conséquence, on déplacera le terminal minéralier vers le Sud : on utilisera pour cela l’enceinte du port charbonnier dont les travaux ont été lancés le 19 février 2014 pour alimenter la centrale thermique également en cours de réalisation.

Les zones portuaires ainsi libérées seront dédiées à la pêche, à la croisière, à la plaisance, aux activités scientifiques, avec localisation biologique de l’Université pour se consacrer à la recherche halieutique, y compris les algues. Parallèlement, on édifiera un centre d’étude et de préservation génétique du patrimoine halieutique du Royaume du Maroc.

L’aménagement de l’espace côtier s’étendant de la plage à Ras Lafaâ permettra via Sidi Bouzid de relier la trame urbaine à l’eau. Une zone verte rafraîchira le domaine portuaire. Un belvédère, un club nautique scolaire et un aquarium brancheront la Cité sur le front de mer.

On retiendra en substance que la renaissance de Safi passe par l’ancrage citoyen de la ville dans le port, unique moyen de recentrer sa mémoire éclatée autour des valeurs qui ont forgé son identité maritime millénaire

Par Najib Cherfaoui, ingénieur des Ponts et Chaussées