· Lakouassem, un village qui perpétue cet art ancestral
Haut dans le ciel, des faucons sillonnent et semblent faire des acrobaties, comme pour accueillir leurs visiteurs. Le village Lakouassem, c’est le quartier général des fauconniers. Il est situé à 48 km au sud d’El Jadida et à 6 km de Had Ouled Frej. Les habitants de ce village sont presque les seuls du pays à pratiquer cet art ancestral, héritage des temps immémoriaux. Il y a des siècles, cette activité était pratiquée par les notables et chefs de tribus. En Europe, c’était le sport préféré des seigneurs. A cette date, au Moyen-Orient, les princes l’aiment beaucoup. Certains viennent même de la péninsule d’Arabie apprendre quelques astuces chez les fauconniers de Lakouassem. Mais aujourd’hui, au Maroc, cette chasse est celle des pauvres. Les fauconniers de cette région sont de petits cultivateurs. Ils arrivent à peine à subvenir aux besoins quotidiens de leurs familles. Mais ils sont prêts à toutes les privations pour la préservation de leur unique trésor qu’est le faucon. Ce rapace mange un pigeon vif par jour et donc 365 pigeons par an. Un pigeon à 10 DH est considéré comme une grande concession pour ces fauconniers. “Il faut éviter de lui donner de la simple viande pour préserver les instincts de chasseur du faucon”, explique Mohamed Ghazouani, trésorier de l’Association des fauconniers de Lakouassem. Cette association compte, en plus des 7 membres du bureau, 26 adhérents. La chasse au faucon se pratique pour saisir les perdrix, le lièvre ou le colvert (sorte de canard). Chaque jour, les fauconniers doivent nécessairement faire une sortie de dressage et d’entraînement des faucons avec un pigeon chacun. Le plus âgé des fauconniers est Si Kaddour avec ses 86 ans, fait savoir Ghazouani. Mais le mokaddem Sadouk Saïd avec ses 62 ans est le meilleur dresseur des faucons du village. Son faucon marin appelé Morjane fait un grand spectacle dans le ciel et il est apprécié par tous les villageois. Il existe deux sortes de faucons. Le marin (Al bahry) sédentaire peut atteindre 250 km/heure en piqué. D’autre part, le faucon pèlerin appelé Nabli (veut dire noble) est le plus prisé par les fauconniers. Il peut atteindre 350 km/heure en piqué. Le faucon en plus de sa nourriture occasionne beaucoup de frais, surtout quand il tombe malade. En cas de perte, il faut partir au sud du Maroc pour en capturer un autre. La durée de vie d’un faucon domestiqué peut aller jusqu’à 20 ans. Pour dire qu’il devient un membre à part entière de la famille, explique avec ferveur Mohamed Ghazouani. Pour capturer le faucon, il faut au préalable demander une autorisation de l’administration des Eaux et Forêts à Rabat. Le faucon marin, sédentaire, se trouve au sud d’Essaouira et dans les environs de Tan Tan. Le pèlerin, oiseau migrateur, ne se trouve au Maroc que durant 6 mois (entre les mois de novembre et mai). Cependant, c’est la femelle qui est la préférée des fauconniers. Elle est de taille plus grande que le mâle, plus rapide et donc plus efficace. Les jeunes de Lakouassem apprennent dès leur plus tendre âge la pratique de la chasse au faucon. Mais ils ont de plus en plus tendance à délaisser leur village pour aller chercher du travail en ville. Tahar et Houcine respectivement 22 et 26 ans, deux maîtres fauconniers sont devenus journaliers dans une oisellerie d’un riche émirati à Rabat. La relève pour ce patrimoine ancestral est hypothéquée. La tradition est menacée de disparition. Et les villageois de Lakouassem fiers de leur art vivent l’indifférence. Ils n’ont jamais reçu de subvention et ne reçoivent que des bibelots de souvenir quand ils sont appelés pour participer à une manifestation.
Excursion au pays des fauconniers
Une excursion est prévue le dimanche 6 juin. Elle prévoit une visite de Tazotas, Casbah de Boulaouane, et au village Lakouassem, fief des fauconniers. Les visiteurs auront droit à une démonstration de chasse aux faucons, à une parade de cavaliers et pour agrémenter: une course aux lévriers. Les recettes de participation seront intégralement versées aux fauconniers, fait savoir un ex-journaliste de France 3, établit à El Jadida. Ce dernier devenu membre de l’Association Doukkala a mis sur pied avec le président Abdelkrim Bencherki un programme pour une excursion avec un parcours inédit et instructif.
Cette initiative première du genre s’inscrit dans le cadre de la promotion du tourisme rural. “Espérons aussi que cette excursion permettra de se rendre compte de l’état de délabrement avancé de Casbah de Boulaouane, joyau et haut lieu de l’histoire au Maroc”, commente Michel Amengual.
Mohamed RAMDANI – L’économiste du 28-05-2004