El jadida serait –elle en face d’un véritable chamboulement, pouvant remettre en question les origines de histoire ancienne ? En tout cas, c’est ce que semble confirmer aujourd’hui, la récente découverte réalisée par le centre Maroco-Lusitanien d’El Jadida, dans le cadre de ses prospections archéologiques dans la région.
A peu de kilomètre , au nord d’El Jadida, le centre vient de déterminer avec exactitude, l’emplacement du site du vieux Mazagan ,appelé autrefois Mazighan, dont le nom serait d’origine Berbère et qui remonterait selon plusieurs indices,aux temps reculés du moyen âge.
Le site en question, qui s’étend sur une large superficie, transformée en champs de culture, contient trois cimetières anciens, et une quantité abondante de céramique et de matériaux archéologiques, qui prouvent bien que le site mis à jour remonterait au moyen âge.
D’autres repères, dont des écrits anciens, des archives contenus dans LES « Sources inédites de l’histoire du Maroc », des gravures datant du XVIème siècle, ont permis aux prospecteurs du centre de déterminer avec certitude, l’emplacement du vrai et ancien Mazighan, qui existait bien avant l’installation des portugais sur cette partie de la cote Marocaine.
Pour rapprocher nos lecteurs des développements de cette découverte de grande importance et qui ne manquerai pas de remettre en question nombres de données relatives à l’histoire ancienne d’El Jadida, nous avons rencontré Karra azeddine, Directeur du centre Maroco-Lusitanien,et principal artisan de cette opération archéologique.
INTERVIEW DE KARRA AZEDDINE
DIRECTEUR DU CENTRE MAROCO-LUSITANIEN
Libération : Comment s’est effectuée cette découverte, et quelle est sa portée du point de vue historique de la région ?
Karra Azeddine : C’est dans le cadre de la prospection archéologique, que le centre Maroco-Lusitanien a tracé depuis trois ans et qui nous a permis de découvrir nombres de sites archéologiques, cités dans les textes, mais pas reconnus sur le terrain, que nous pouvons placer cette dernières réalisation.
Ainsi donc, c’est vers la fin du mois de Décembre et le début du mois en cours, que nous avons pu déterminer avec exactitude, la place réelle de l’ancienne Mazagan , qui s’appelait autrefois Mazighan, et que nombre de chercheurs, confondaient avec l’actuelle cité Portugaise,classée récemment Patrimoine Universel.
Ce site, qui était décrit dans les textes Islamiques, notamment dans les récits dAl Bikri et Al Idrissi, ainsi que dans l’historiographie que nous appelons « sources inédites de l’histoire Marocaine »,est aussi signalé dans quelques gravures datant du début du XVIème siècle.
En nous référant à tous ces indices, et aux traditions orales de la zone ciblée, nous avons réalisé un travail de terrain, en ratissant un périmètre de plusieurs kilomètres, à peu de distance au Nord d’El Jadida.
Cette opération qui a duré presque deux mois, nous a permis de déterminer l’emplacement de Mazighan,où nous avons découvert pour le moment trois cimetières très anciens , en plus d’une quantité suffisante de céramique et autres matériaux archéologiques qui prouvent que le site remonterait bel et bien au moyen âge.
Nous avons aussi mis à jour des silos, tout en nous guidant par les traditions orales et certains témoignages qui nous ont confirmés l’existence d’autres indices ensevelis, suite aux multiples opérations de labours, puisque le terrain de prospection se trouve en sur un promontoire et en plein espace agricole.
Libération : Quelles sont les références scientifiques, qui vous ont orientés vers cette zone en particulier ?
Karra Azeddine : Les références matérielles existent effectivement, et il s’agit d’une gravure Portugaise, où il est noté le nom du site en question, sous l’appellation du « vieux Mazagan », et en nous referant aux données topographiques, et autres notifications signalées dans le document, cela nous a servi à préciser la zone où ont débuté les opérations.
Libération : Finalement c’est quoi Mazighan et quel peuple l’avait construite et habitée ?
Karra Azeddine : D’après les textes, Mazighan, serait un petit village connu surtout par la proximité de son port « Marça de Mazighan », navigable et de bonne qualité dans la région.
Ce petit village qui remonterait au moyen âge et dont l’appellation serait d’origine berbère, concorde avec quelques réalités historiques, déjà confirmées, puisqu’il est de notoriété scientifique, que la population de cette région des doukkala, était composé par les Masmouda et les Sanhaja principalement à Azemmour.
Libération : Quelles répercussions pourrait avoir cette découverte, sur certains détails de l’histoire d’El Jadida, qui confond depuis toujours ses origines avec l’arrivée des Portugais dans la baie d’El Jadida ?
Karra Azeddine : Permettez moi de vous souligner que cette découverte, quoique de grande importance, ne peut surprendre que les non-initiés aux choses de l’histoire de la région. Toutefois, en ce qui concerne les personnes qui connaissent parfaitement cette histoire, ils ne peuvent se permettre d’ignorer, qu’il existe un site dans la région , mais qui a été malheureusement toujours confondu avec celui de l’actuelle Mazagan, plus connue sous le nom de la cité Portugaise d’El Jadida.
Plusieurs chercheurs, dont des Portugais,ont toujours défendu le fait que Mazagan prenait son départ à partir du débarquement des Portugais, et que ces derniers l’ont érigée sur les ruines d’un autre site appelé Breija .Un détail de l’histoire qui n’est d’ailleurs pas contesté ; seulement, ce qui change aujourd’hui, c’est que l’appellation de Mazagan n’était pas Portugaise, mais tire son origine d’un autre site du nom de Mazighan, représentant le chef lieu de la région très longtemps avant l’installation des portugais.
Libération : Aujourd’hui, et à la lumière de cette nouvelle donne, est-ce que le centre prévoit des fouilles archéologiques dans la zone, afin d’étoffer cette découverte, qui ne marquera un nouveau tournant dans l’histoire ancienne d’El Jadida ?
Karra Azeddine : Une étude bien approfondie, oui, et on est entrain de la réaliser. Nous avons fait un grand travail de prospection sur le terrain, nous avons fait la collecte de la céramique, qu’on va étudier incessamment, et on va essayer de donner une fourchette de datation relative, pour mieux cadrer le site. Seulement, pour ce qui est des fouilles archéologiques, tout dépend des moyens dont nous pouvons disposer.
CHAHID AHMED – Libération du 23-01-2006