KHATIBI tout proche KHATIBI tout loin

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Comment traquer la spécificité de Khatibi ? Comment décrypter les tatouages de sa pensée habitée de philosophie ? Comment pénétrer dans ses œuvres, par la seule violence du commentaire ? Comment voyager dans ses récits et déchirer le voile de ses réalités-fictions ? Comment s’installer confortablement dans sa langue ? Comment percer les secrets initiatiques de Khatibi le voyageur ? Sous quelle diagonale visionner la perception du monde chez lui ? Quelle dimension donner à cet horizon de sa pensée, ouverte sur le dit et le non dit ? Avec quelle intensité de ferveur peut-t-on contempler la densité de son écriture, la subtilité de son style et son profond enracinement dans les sciences humaines et sociales ? Par quels sentiers peut-t-on suivre le cheminement de cet enfant d’El Jadida dont les traces ne s’effacent pas ?…

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Autant d’interrogations méditatives, dont les réponses quoique pointues, recherchées, recoupées arrivent à peine à frôler le reflet de ce prisme finement taillé, indéfiniment facetté, mais difficile, très difficile à cerner.

Un colloque sur Khatibi, à El Jadida est à la fois un événement et une aventure saine. L’événement, c’est d’avoir honoré par sa présence, sa ville natale, El Jadida, cette cité tristement ancrée dans sa propre histoire, mais qui – comme l’a si bien souligné Khatibi-, commence enfin à sortir de sa situation dépressive. Quant à l’aventure, elle s’inscrit dans ce voyage dans Khatibi, cet homme aussi précieux qu’une larme de bonheur, mais dont la fertilité de l’esprit, qui le met en avance sur lui-même, le rend ardu à prospecter et encore moins à définir.
Durant les deux jours du colloque international d’El Jadida qui a été organisé en hommage à cet homme d’exception, une myriade d’universitaires de toutes spécialités et d’horizons différents ont traité du produit Khatibi, pour en extraire quelques fragments de ses multiples composantes. Une expérience scientifique minutieuse, parfois délicate mais hautement instructive pour les initiés. Un succès pour les organisateurs, un défi pour les participants, un léger sourire d’humilité de la part d’Abdelkebir…et un irréfutable sentiment d’inassouvi qui a subsisté en suspens dans cette grande salle de la Faculté des lettres d’El Jadida, où les étudiants étaient présents en grand nombre, peut être par pure curiosité, mais surement pour contempler et écouter de prés, ce Marocain, d’un quartier pauvre de Mazagan, né sous l’amertume de l’occupation, mais qui a pu et su percer les hautes sphères du savoir.

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Une sensation d’inachevé, non pas que parce que les interventions manquaient de teneur ou que le débat n’a pas suivi la cadence…mais, c’était tellement riche, tellement captivant qu’on voudrait aisément se laisser emporter indéfiniment par cette spirale du beau, à la découverte du tout Khatibi.

On ne peut pas philosopher sur Khatibi, sans diluer ses instincts de penseur dans la fluidité des réminiscences de son El Jadida, cette ville qui l’a marqué par la particularité et la pluralité de ses signes, tout en l’abreuvant de sa première bouffée d’un oxygène saturé à la fois du parfum des embruns atlantiques et des senteurs des deux grands parcs qui ombrageaient les sinueuses ruelles de son quartier Sfa.
Mc Neece Lucy n’a pas dérogé à cette règle, lors de son intervention au colloque international, organisé à l’Université Chouaïb Doukkali, en hommage à Abdelkebir Khatibi. Elle a couronné son sujet, inscrit sous l’intitulé « Un écrivain de classe à la manière taoïste : Abdelkebir Khatibi et le partage asiatique », en soulignant quelques signes, si recherchés par Khatibi, et qui ne peuvent trouver toute leur splendeur et leur lumière que dans le souffle intérieur de cette ville toujours ancrée au grand molle de sa propre histoire.

Mc Neece Lucy a conclu en disant, je cite : « Il faut essayer d’ imaginer Khatibi, cet écrivain-peintre, son imaginaire muni des vibrations de cette ville aérée, de ses perspectives, de ses jeux de foot sur la plage matinale, des soirées de dance dans un jardin boisé, et des séances de dragon noir dans un cinéma disparu ; il faut l’imaginer le pinceau à la main, se tournant vers d’autres rives, prêt à donner forme à d’autres mémoires à venir. Peut-être cet écrivain est né demain pour découvrir des rêves d’antan ».

Chahid Ahmed

m.ahmedchahid@yahoo.fr