El Jadida ou l’émergence d’une province

Lorsque nous considérons El Jadida la capitale économique des Doukkala, comme deuxième pôle économique du pays, nous ne nous laissons pas emporter par la passion des métaphores ou par on ne sait quel chauvinisme régional. Nous ne faisons que résumer l’aspect sous lequel elle se présente à l’observateur impartial. La ville et sa région sont réputées depuis de longues années comme étant une ville commerciale avec un arrière pays très riche en matière agricole, et d’énormes potentialités touristiques (cité portugaise, Casbah de Boulanane, Oualidia, Azemmour, monuments historiques, plages…).

La province d’El Jadida, considérée comme une région à vocation essentiellement agricole du fait des investissements réalisés depuis le début de l’indépendance en matière d’irrigation dans un plateau riche, a connu une transformation perceptible dès le début des années 80 avec la réalisation du port de Jorf-Lasfar, l’implantation du complexe des industries chimiques de l’OCP et de la centrale thermique de 1330 MW soit plus de 50% de la production nationale. De ce fait, un contexte particulier de complémentarité sectorielle s’est créé essentiellement dans les domaines agricoles, industriel et touristique.
Aussi, il est un fait historique suffisamment connu que la naissance de l’industrie dans la province d’El Jadida est liée à la période coloniale.

Évolution du secteur industriel

L’implantation de projets industriels avant l’indépendance s’est opérée essentiellement dans le secteur du textile avec la création de Mazagan-fil (Mazafil) et la SCIM en 1946, et dans le secteur agro-alimentaire avec la création des moulins d’El Jadida (SOMIC) en 1936.
La période 1960-1967 a vu naître Pharmaghreb, l’actuel Pfizer pour la production, la commercialisation et le conditionnement de produits pharmaceutiques et la société «SNCE Sidi-Bennour» spécialisée dans la fabrication des conduites d’eau destinées à l’irrigation.
Ce n’est qu’à partir de 1968 que s’amorce une nouvelle étape avec la création de la sucrerie des Doukkala, ayant démarré son activité dans le casier de Sidi Bennour pour la production du sucre brut qu’elle livre à la COSUMAR pour le raffinage.
En 1970 et 1985 on assiste à la création et à l’équipement des périmètres irrigués, et à l’implantation du réseau d’ouvrages hydrauliques très dense. Des superficies importantes vont être irriguées permettant ainsi une politique de substitution à l’importation avec la création d’une deuxième sucrerie en 1977 à Zemamra, au lancement de la laiterie des Doukkala et l’implantation d’une unité de la COMAPRA pour l’égrenage du coton à Sidi-Bennour. En 1976, le secteur industriel de la province comptait à peine quelques 24 établissements (y compris 6 boulangeries). Ces unités occupant 1432 personnes avaient réalisé un investissement de 10 millions de Dhs. Le nombre d’unités est resté, malgré quelques fluctuations, presque inchangé jusqu’à la fin de l’année 1981. En 1985, le secteur industriel de la province s’est enrichi de 28 unités nouvelles avec une certaine diversification de l’activité industrielle, mais dominé par l’agroalimentaire qui employait 54% des effectifs, réalisant 76% de la production, dégageant 73% de la valeur ajoutée, représentant 13% des exportations totales et réalisant 84% des investissements industriels. En deuxième lieu vient le secteur du textile avec 12% des établissements, 36% des emplois, 13% de la production, 86% des exportations et 4% des investissements. El Jadida ne va émerger comme site industriel qu’après cette période et surtout avec l’arrivée de Maroc Phosphore III et IV en 1986.

Afflux d’investissement

De 1986 à 1990, c’est la période où la province a connu un afflux d’investissements sans précédent. En 1987 l’investissement industriel réalisé par le secteur s’est chiffré à plus de 408 millions de Dhs (non compris l’investissement de Maroc Phosphore de Jorf-Lasfar). Les unités en activité ont dégagé une production de plus de 3,5 milliards de Dhs et une valeur ajoutée de 476 millions de Dhs.
Ces résultats ont été enregistrés grâce à la création de nouvelles unités industrielles concentrées une fois encore dans le secteur agroalimentaire, mais avec une montée en flèche de l’industrie chimique et para-chimique. L’industrie du textile est reléguée en troisième position.
Durant cette période allant de 1991 à 1996 les principales grandeurs économiques du secteur industriel de la province ont enregistré une évolution positive. Ainsi, le nombre d’établissements industriels est passé de 77 en 1991 à 142 en 1996 : la production a connu une croissance de 43%, les exportations et le chiffre d’affaires ont enregistré, respectivement, une évolution de 16% et 35%.

Des chiffres impressionnants

Ces résultats ne sont pas le fait d’un hasard, mais le futur d’un ensemble de mesures entreprises dans le cadre de la politique de décentralisation voulue par le gouvernement de Sa Majesté le Roi, comme vecteur de développement. Cette politique s’est traduite au niveau de la province d’El Jadida par la réalisation d’infrastructures d’accueil et des projets économiques.
Il y a, en outre, la création de la zone industrielle d’El Jadida d’une superficie de 117 ha et la mise en service de la ligne de chemin de fer reliant Jorf à Nouaceur et par là au réseau national. De grands projets sont prévus comme l’autoroute Casablanca – El Jadida, le parc industriel de Jorf-Lasfar de plus de 5000 ha et le complexe touristique d’El Haouzia avec plus de 8000 lits.
Parallèlement au développement industriel, l’essor de la construction est caractérisé par des chiffres impressionnants. La valeur totale des nouvelles constructions à El Jadida et sa région (immeubles, villas, habitation sociale) a atteint des milliards de dirhams. Même si l’on tient compte de l’augmentation des prix des matériaux de construction, on constate un accroissement rapide dans tous les secteurs de la construction.

Mustapha Lekhiar – Le Matin du 05-02-2003