Entretien avec Rachida LARISSI et Hicham ZAGHMOUTI

L’équipe de rédaction de Rusibis.com a rencontré la championne du monde en SAVATE Rachida LARISSI et son mari et entraîneur Hicham ZAGHMOUTI, champion du Maroc en Kick Boxing, et ce en marge de la soirée des jeunes champions organisée par ANDAM Sidi Bennour. L’entretien avec les deux champions a porté sur leurs activités sportives, les problèmes rencontrés, et les perspectives avenir.

Q : Tout d’abord présentez-nous votre club
R : L’Association Nationale des Arts Martiaux de Sidi Bennour (ANDAM) est affiliée à la Fédération royale Marocaine de Full-Light-Contact, Thaï-Kick Boxing et Savate.Le nombre total des clubs affiliés à cette fédération avoisine 2000, dont 10 dans la région Doukkala-Abda, avec une grande concentration à Safi, la province d’El Jadida comprend un seul club c’est l’ANDAM.A El Jadida plusieurs clubs intègrent le Full-Contact clandestinement, ils ne respectent pas les règlements, n’assurent pas leurs adhérents et ces derniers ne peuvent participer aux championnats.

Q : Avez vous organisé d’autres nuits de gala auparavant ?
R : Nous avions organisé trois nuits à Sidi Bennour mais de la taille de celle du samedi 31 août c’est la première fois.Vous savez le Kick Boxing et le Full-Contact sont devenus très populaires au Maroc, plusieurs tournois sont organisés à travers le pays le long de l’année, notre soirée coïncidait avec une autre organisée à Oulfa (Casablanca), et dans le même mois, il y’avait le championnat du monde à Agadir qui a vu la participation du champion du monde Driss LAKHLAFI.On avait prévu une retransmission de la soirée d’El Jadida par la télévision marocaine mais…

Rachida LARISSI et Hicham ZAGHMOUTI

Q : Nous avons assisté samedi aux compétitions, nous vous félicitons pour l’organisation, et le niveau technique élevé, mais nous sommes sortis avec un constat qui ne vous plaira pas, vous souffrez d’un manque matériel énorme. La province d’El Jadida est l’une des plus riches du pays, elle comprend notamment plusieurs unités industrielles, pourquoi ne vous adressez-vous pas aux opérateurs économiques pour vous financer ?
R : Oui c’est vrai, une manifestation de cette taille demande un grand portefeuille, on n’avait pas assez de temps pour contacter les industriels, la seule subvention venait de la province d’El Jadida, en plus de la commune de Moulay Abdellah et de l’association des Doukkala et à part la province, notons que les autres responsables ne s’intéressent guère au sport.C’était notre première expérience et malgré sa réussite elle n’était pas à la hauteur de nos aspirations. On prévoyait un combat de niveau international dans lequel devait participer Rachida, mais la fédération l’avait reporté pour l’année prochaine, donc rendez-vous dans 12 mois, et nous vous promettons que ça va être mieux que cette année.Nous aurions du contacter des sponsors pour le financement, on était à notre première soirée, le temps nous pressait, on n’a su quoi faire ni qui contacter.

Q: Autre chose, les combattants s’inter changeaient les chaussures, les gants, les casques et retenaient leurs chaussures par du scotch d’emballage, est ce normal ?
R : Les combats où vous avez remarqué ça font partie de la catégorie amateurs, et sachez que les effets vestimentaires des combattants coûtent cher, il faut être riche pour pouvoir s’acheter des chaussures à 600,00 dirhams, des gants à 800,00 dirhams et un casque à 500,00 dirhams, et si tu veux combattre avec des chaussures à 100 ou 150 dirhams vous serez obligé de les retenir avec du scotch.

Q : Quand vous citez les responsables, est ce que vous désignez le ministère de la jeunesse et des sports ou les conseils communaux ?
R : Ce que nous voulons c’est que tous les sports soient mis à pied d’égalité, il est impensable qu’une équipe de football qui ne cumule que de mauvais résultats aie la part du lion de la prime consacrée au sport, alors que les clubs qui donnent des champions du Maroc et du Monde ne touchent rien.Avant on nous donnait 500,00 dirhams par an, mais depuis 1994 nous ne touchons plus aucune prime. Quand Rachida s’est déplacée en France pour jouer le championnat du monde, nous avions payé de notre poche. Les déplacements dans le Maroc sont payés par les combattants, pour aller à Rabat il nous faut au moins 500,00 dirhams par personne, et en plus les combats des amateurs ne sont pas payants ils jouent pour le titre.

Q : Vous sentez-vous capable d’organiser des compétitions de niveau international ?
R : Nous avions organisé une manifestation à Sidi Bennour qui comprenait un combat international, qui a opposé un combattant d’Oujda et un autre de Hollande, le champion du monde Khalid El Kandili, et le champion Lakhsam y ont assisté, c’était une grande réussite, les sports que nous pratiquons ont un grand public à Sidi Bennour.

Q : Peut être parce que la ville est petite et il y’a moins de distractions ?
R : Peut être que oui, mais même ici à El Jadida nous avons remarqué que ces sports ont un public et de tous les ages, pour ne citer que la soirée de samedi la salle Najib Nâami était pleine, et même les filles assistaient avec un grand intérêt aux combats, nous avions programmé deux combats pour filles, mais malheureusement les combattantes ne sont pas venues, et comme vous l’avez sans doute remarqué, nous avons eu une femme arbitre.

Q : Comment voyez-vous l’avenir de ce sport ?
R : Bien, Ce sport se porte bien, Dieu merci, et il a un grand avenir. Ce que nous désirons c’est participer dans des championnats du monde, que les champions du monde soient du Maroc, et pas l’inverse : Un marocain résidant à l’étranger qui décroche le titre, c’est vrai qu’il est marocain mais pourquoi les Marocains qui vivent au Maroc ne décrochent pas à leur tour des titres de champions du monde ?

Q : Quel est votre programme pour l’année prochaine ?
R : La saison n’est pas encore terminée, nous avons devant nous le championnat arabe de Full-contact, le président de la fédération m’a contactée et m’a demandé de me préparer, actuellement je m’entraîne à sidi Bennour, et à l’approche de ce championnat je vais entrer dans un camp de concentration.En septembre on a le championnat du Maroc de SAVATE à Meknes peut être.

Q : Avez vous conclut des partenariats avec des fédérations ou clubs à l’étranger ?
R : Jusqu’à présent c’est la fédération qui s’occupe des stages et compétitions à l’étranger, mais nous avons l’intention de de conclure des actes de partenariat avec des clubs et fédérations européennes. Un représentant d’un club français de Grenoble avait assisté au gala de samedi et nous a contactés vers la fin et nous a proposés d’entrer en contact avec des clubs français, nous sommes entrain d’étudier la possibilité d’inviter ces clubs pour participer à la soirée de l’été prochain.

Q : Vous savez sans doute que la ville d’El Jadida est jumelée avec la ville de Sète, vous n’avez pas pensé à faire un jumelage avec des clubs de Sète à l’instar des établissements scolaires d’El Jadida ?
R : Nous apprécions l’idée, et nous essaierons d’entrer en contact avec le comité de jumelage des deux villes pour voir la possibilité d’organiser des stages et des tournois entre les clubs de Sète et d’El Jadida.

Q : Ne vous est-il pas venu à l’esprit d’immigrer en Europe par exemple, là où les sportifs sont bien traités et gagnent beaucoup plus d’argent ?
R : Je m’entraîne assez souvent en France, et le programme de cette année est plein de stage à l’étranger, mais jamais il ne m’est venu l’idée de quitter le pays pour m’installer ailleurs.

Q : L’amour de la patrie ne signifie pas y rester, on peut monter sur le podium et hisser les couleurs de son pays sans y être installé, autre chose que vous devez savoir, maintenant que vous êtes devenue championne du monde, est ce que vous vous rendez compte que vous n’êtes plus la championne de Sidi Bennour mais du Maroc ?
R : Mes entraînements avant et après avoir décroché le titre de championne du monde se font à Sidi Bennour, j’ai commencé à pratiquer les sports de combat a l’age de onze ans avec mon frère dans notre maison à Safi, et je participe comme internationale depuis 1993, et je suis fière d’être à Sidi Bennour.Dans notre club nous avons plusieurs pratiquants d’autres villes, et quand ils racontent à leurs copains qu’ils s’entraînent à Sidi Bennour et sous la direction de la championne du monde, ils n’arrivent pas à les croire, car c’est une petite ville un peu paysanne peut être.

Q : Maintenant vous êtes championne du monde, vous avez encore des années de gloire devant vous, mais vous devez être consciente que la carrière d’un sportif en tant que pratiquant est courte, vous devez penser à votre avenir, préparer des diplômes d’entraîneur et d’arbitre, pour échapper au sort de plusieurs de nos sportifs qui souffrent actuellement.
R : Oui j’y pense, mais pour le moment je vois que j’ai encore du chemin à faire en tant que combattante, et ce n’est qu’après que je me consacrerais à l’étude pour avoir les diplôme d’entraîneur. J’ai actuellement une offre pour faire un stage en France d’arbitre international en SAVATE, c’est une première au Maroc.

Q : Parlez nous de votre titre de championne du monde en SAVATE ?
R : c’était le 27 octobre 2001, j’ai combattu dans la catégorie de moins de 51 Kg (poids Coq), avant de partir en France j’avais une foulure au pied, pendant le combat qui m’opposait à Saliha OUCHEN, j’ai senti que l’état de mon pied s’aggravait, je n’ai pas pu reprendre le combat au deuxième round, je ne pouvais plus me mettre debout, je pleurais, j’allais abandonner, mais le staff technique, et le public qui était composer pour la plupart de MRE insistaient pour que je termine, le président de la fédération m’avait dit : Nous sommes venus pour décrocher le titre pas pour revenir au Maroc bredouilles.En SAVATE plus les coups sont au-dessus de la ceinture, plus tu as de points, alors j’ai cherché à avoir le plus de points, je m’appuyais sur le pied sain et donnais des coups à mon adversaire au visage par le pied qui me faisait mal, et par l’aide de Dieu j’ai gagné par points. Ceci n’a pas plu aux français car mon adversaire était française, Saliha OUCHEN était championne de France et d’Europe et disputait le titre de championne du monde, à la fin du combat on a refusé de nous donner une copie de la vidéo du match, et ils ont annulé un dîner qui figurait sur le programme de notre séjour en France.Quand nous nous apprêtions à quitter la France, tout le monde à l’aéroport me saluait et me faisait signe de victoire avec le pouce, c’était comme dans un rêve. Rachida LARISSI championne du monde en SAVATE

Rachida LARISSI championne du monde en SAVATE

Q : Si nous vous demandions de nous faire un bilan de votre club ANDAM au niveau national ?
R : Si l’on excepte le titre de champion du monde en SAVATE que j’ai décroché, le club ANDAM compte actuellement plusieurs champions dont :- SABIR Youssef catégorie moins de 51 Kg vice-champion du Maroc en Full-Contact – 2001 Champion du Maroc en Full-Contact 2002- EL KAMEL Karim catégorie moins de 81 Kg vice-champion du Maroc en Full-Contact 2002- SAHAJI Aziz vice-champion du Maroc en Light-Contact 2002Et je vais vous raconter l’histoire du champion du Maroc en Full-Contact, s’il était présent avec nous à cet entretien il ne pourrait pas retenir ses larmes, avant de nous rejoindre au club, il était analphabète, d’une famille très pauvre qu’il subsistait à ses besoins en travaillant dans un atelier de réparation des pneus, il se droguait et avait un vocabulaire vulgaire. Aujourd’hui tu ne peux pas le reconnaître, il est devenu un autre homme, tout a changé en lui, son élocution, sa tenue tout.Après une année d’entraînement, nous l’avions désigné pour faire partie de l’équipe qui représenterait notre club au championnat du Maroc à Safi. Je lui ai demandé de préparer ses papiers, de payer la cotisation d’assurance et le montant nécessaire pour le voyage, quelques jours après il est venu me voir en me disant qu’il n’a pas pu réunir le montant, il a même vendu sa bicyclette et pourtant ça ne lui a pas suffit, je n’avais d’autre choix que de le radier de la liste, j’avais l’intention de le punir car il n’était prêt dans le délai. Mais quelques instants après j’ai demandé à Hicham de le rappeler et qu’on allait payer pour lui.Il a participé au championnat, il a gagné deux combats et perdu un, il était classé deuxième régional, il était très content de ce résultat, et m’a avoué ce qui suit :  » Lorsque tu m’avais expulsé du club, j’allais me droguer, j’allais tout laisser tomber, l’entraînement et tout… »C’est arrivé il y’a quatre ans, maintenant il est champion du Maroc, il a appris le calcul, et tous les termes français qu’on utilise dans ce sport.