Le bureau de l’Association des Lauréats de l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (ALINSAP) vient d’être alerté des travaux de restauration qui sortent de l’ordinaire, financés par le Holding d’Aménagement Al Omrane et conduits par un cabinet privé d’architecture de Casablanca. Ces travaux irréfléchis et démesurés portent atteinte à l’un des lieux de mémoire de la ville d’Azemmour et barbouillent son histoire millénaire.
Dans la restauration du rempart d’Azemmour, ces « nouveaux bâtisseurs » ont utilisé, sans gêne aucune, des tonnes de béton armé au sein de la courtine sud-est et des coulées de ciment du côté du tronçon nord-est longeant l’Oued Oum Rebia. A souligner que le rempart d’Azemmour, construit exclusivement en tabia ou pisé, remonte à l’époque médiévale. Etre traité de la sorte constitue une attaque et une atteinte à l’identité de cette médina, à notre identité commune et à notre mémoire collective. C’est un cas de restauration encore inédit au niveau national voire sur le plan international.
Le dit projet a été visiblement préparé hâtivement sans qu’il soit soumis au préalable à l’avis du département de tutelle (Ministère de la Culture), bafouant par là la législation marocaine régie par le Dahir du 17 Safar 1401 (25 décembre 1980) portant promulgation de la loi n°22-80 relative à la conservation des monuments historiques et des sites, des inscriptions, des objets d’art et d’antiquités. Le bureau de l’association a la certitude que les services extérieurs d’Al Omrane ont sciemment négligé, pour ne pas dire évité, de se concerter avec les partenaires locaux en leur présentant les documents nécessaires concernant cette restauration.
Les services du ministère de la Culture à El Jadida n’ont pas manqué d’aviser le gouverneur de la province et la direction du patrimoine culturel laquelle, devant la gravité de la situation, a été représentée sur place par le directeur du patrimoine lui-même qui a visité les lieux et a dépêché par la suite une commission spécialisée. Après quoi, deux réunions ont eu lieu les 16 et 19 avril 2012 sous l’égide des autorités locales. Il a été décidé l’arrêt immédiat des opérations en présence des représentants de l’agence d’Al Omrane et du cabinet d’architecture assurant le suivi du projet ; les uns et les autres ont montré leur approbation. Cependant, les travaux ont continué au lendemain de la dite réunion et jusqu’à aujourd’hui (25 avril 2012), ce qui signifie, outre la mauvaise foi, un désintérêt total des décisions administratives auxquelles ils ont fait part. Là aussi, l’association souligne avec inquiétude le mutisme inexpliqué des autorités locales devant la relance de la présumée restauration-rénovation.
L’Association des Lauréats de l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine condamne fermement ces agissements, désapprouve le traitement qu’a subi notre patrimoine culturel matériel à Azemmour et exige :
– l’arrêt immédiat de tous les travaux portant atteinte à l’intégrité et à l’originalité des remparts d’Azemmour ;
– l’ouverture d’une enquête pour dévoiler les responsables impertinents et démasquer les auteurs irrespectueux de deux décisions prises en commun accord avec des organismes officiels ;
– le démontage de l’ensemble de l’ouvrage moderne, en l’occurrence les piliers bétonnés et le soubassement en pierres de taille ;
– l’élaboration d’une nouvelle conception conforme aux principes scientifiques appliqués dans le domaine de la restauration des monuments par les services du ministère de la culture. La nouvelle conception doit être imposable au maître d’ouvrage, le seul responsable de sa réalisation, qui doit assumer les conséquences de tout retard ;
– le renforcement du talus en contrebas du rempart sud-est, opération qui doit être envisagée parallèlement à la restauration ;
– le déchaulage des enduits appliqués aux murs extérieurs de la tour circulaire et le tronçon de rempart nord-est qui surplombe l’oued Oum Rebia ;
– la parachèvement de la restauration du mur de soutènement du talus, conformément à la proposition des services du ministère de la culture, au lieu de se contenter des coulées de ciment ;
– le respect du droit de regard du ministère de la culture et ses services extérieurs en matière de restauration et de mise en valeur du patrimoine immobilier.
L’Association des Lauréats de l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (ALINSAP) tient à saluer toutes les opérations sérieuses de restauration de notre patrimoine à l’échelle nationale et à dénoncer toutes sortes d’infractions touchant de près notre patrimoine culturel, matériel ou immatériel, sur l’ensemble du territoire national de Sebta à Lagouira.
Nous, membres de cette association, demandons aux personnes physiques ou morales, d’ici ou d’ailleurs, de soutenir notre action en dénonçant la mise à mort de notre patrimoine national à Azemmour. L’ensemble patrimoine-culture fait partie des droits de l’homme comme le stipulent toutes les chartes internationales et comme il a été annoncé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans son discours du 9 mars 2011.
ALINSAP