Une introduction couronnée par le mot « Espoir », un dernier paragraphe sous le signe de « L’ultime chance » et entre ces deux parenthèses ouvertes aux deux bouts, se découvre le cœur d’un ouvrage de 441 pages qui incite à la méditation de tous ces siècles racontant l’histoire passionnante et non sans fractures du système portuaire du Maroc depuis sa naissance, le 10 Septembre 1260 (2 Chaoual 658). Une invitation à un long et fascinant voyage, où le charme est souvent rompu, le temps des escales d’urgence et des réparations appropriées. Des creux de vague récurrents durant lesquels la logique de la résilience l’a toujours emporté sur les sentiments du défaitisme.
« Résiliences : système portuaire du Maroc de la naissance à 2060 », ne se limite pas à sa qualité d’outil scientifique et encore moins à sa richesse de document historique. Le message que porte en lui ce dernier né de Najib Charfaoui et Hamadi Doghmi fait écho au-delà de ces valeurs pour s’imposer en tant qu’appel solennel destiné à fouetter une certaine conscience collective du pays « Les responsables des ports doivent vaincre leur peur, surmonter leur ignorance et avouer leurs fautes ; car l’exploration du futur s’enrichit toujours de la conscience et de la reconnaissance des erreurs commises. Elle offre alors l’espoir d’infléchir le reflux, de compresser le temps et d’activer le nécessaire rendement, intégrateur des ressources, créateur de richesses et générateur d’emplois ».
Après avoir interrogé l’histoire des six siècles de notre système portuaire, tout en balisant les grandes périodes de ses traumatismes récurrents ainsi que ses remarquables capacités de résiliences, les auteurs nous ramènent au proche passé et plus précisément au début de l’année 1960.
Dans cet enchainement d’événements ponctués de fluctuations diverses, les auteurs nous rapportent à travers les lignes de leur recherche que « A partir de 1960, en raison de l’ignorance des choses de la mer et de l’absence totale de culture portuaire, ceux qui président les ports du Maroc commettent une série d’erreurs à répétitions, non seulement scientifiques et techniques mais aussi de gestion. Ils engloutissent, en pure perte, des sommes colossales, avec évaporation d’un savoir millénaire.
Devant l’étendue du désastre, l’urgence est triple : identifier les fautes, modifier le comportement et rattraper le retard. Cela exige de prendre la peine de penser l’avenir, de savoir d’où il vient pour pouvoir l’améliorer. C’est concevable, car l’Histoire obéit à des lois : leur lecture permet de prédire la forme du futur, de cadrer les enjeux, d’anticiper les tendances et d’indiquer les pistes à suivre.
En interrogeant le passé de nos ports, nous découvrons une Histoire à la fois fascinante et mouvementée. Mais, il y a plus important : elle nous révèle les invariants de l’évolution.
En six siècles, de 1260 à 1860, le système portuaire Marocain subit cinq traumatismes récurrents, tous de natures très différentes. Chaque épreuve fait apparaître une résilience nouvelle, c’est-à-dire une remarquable capacité de résister, à se réparer, à rebondir et à se surpasser. Après chaque agression, le système retrouve ce qui a été écrasé, cherche comment ça a été écrasé, reconstruit là-dessus, et remonte superbement à la surface ; la résilience est un caractère permanent.
Un cycle de cent ans sépare au minimum le choc et le rétablissement de notre système portuaire : c’est l’invariant commun à toutes les résiliences.
En conséquence, suite au traumatisme de 1960, la prochaine émergence ne devrait intervenir avant au moins 2060. Cependant, il existe l’alternative de la ramener à l’horizon 2020 : C’est notre espoir. »
Et comme la nature reste un laboratoire ouvert ayant depuis toujours stimulé ou accompagné tout ce qu’on qualifie de génie humain, les auteurs n’ont pas manqué de nous édifier par un exemple des plus saisissants : « L’huitre réagit, à l’introduction d’un grain de sable ou d’une impureté, par un travail qui aboutit à la fabrication de ce merveilleux bijou qu’est la perle. Un groupe humain peut vivre, réussir et s’épanouir malgré l’adversité.
Après une catastrophe, tout organisme vivant peut retrouver un état d’équilibre qui lui permet d’exister. Une communauté qui enregistre et analyse ses propres défaillances grandit et devient plus résiliente. »
A souligner que les mêmes auteurs ont édité « VEILLE PORTUAIRE ET MARITIME », en Février 2001, « VAGUES DANS L’OCEAN, un nouveau regard sur les digues portuaires », en Juillet 2002, « SYSTEMES PORTUAIRES, un tour du monde », en Mars 2003, et « FULGURANCES, ports du Maroc, des origines à 2020 », en Juin 2005, sous les éditions Sciences de l’Ingénieur.
Ahmed Chahid