Littoral du Doukkalla : Caractéristiques et contraintes anthropiques Deux questions à M. Omar Assobhei

Le littoral de la province d’El Jadida sera au centre d’une journée de réflexion le 06 mai prochain sous le thème :
 » El Jadida, la mer et le littoral pour une ambition régional  » cette initiative qui entre dans le cadre des activités du Forum Presse d’El Jadida tend à mettre en évidence les spécificités ainsi que les atouts de cet espace maritime qu’on pourrait aisément qualifier de principal nerf moteur d’une province ouverte sur la mer, sur une étendue de 150km.
A cette occasion nous avons rencontré M. Omar Assobhei coordonnateur national du REMER ( réseau national des techniques de la mer ) et responsable du laboratoire de microbiologie appliquée et biotechnologie à la Faculté des Sciences d’El Jadida, qui a bien voulu répondre à nos questions

Libé : Quels sont les caractéristiques du littoral du Doukkala ?
O. A : Le littoral est l’espace de rencontre entre la terre, la mer et l’atmosphère. Ce lieu de convergence et de compétition entre de nombreuses activités humaines, quelques fois concurrentes (industrie, agriculture, transport, tourisme). Il constitue aussi un patrimoine biologique et paysager de première importance où les équilibres écologiques sont sans cesse fragilisés par des facteurs naturels et par l’homme.
La zone littorale des Doukkala est caractérisée par une grande diversité morphologique et plusieurs type de côtes peuvent y être distinguées : la baie d’El Jadida – Azemmour caractérisée par l’existence de l’estuaire de l’Oum Er Rbia et les plages sableuses de part et d’autre de l’embouchure, la côte rocheuse entre El Jadida et Jorf Lasfar interrompue par la plage de Sidi Bouzid et le complexe lagunaire Oualidia – Sidi Moussa. Ce littoral peut être considéré comme une zone atelier ou les études menées peuvent être transposées sur d’autres littoraux de la côte marocaine. D’autres part, on retrouve au niveau du littoral du Doukkalla un phénomène océanographique majeur à savoir ‘l’upwelling’ (remontées d’eaux froides du fond de l’océan riches en nutriments à la suite du déplacement vers le large des masses d’eaux marines superficielles). Ce phénomène permanent sur les côtes de Doukkalla constitue un atout majeur de cette région. Il est à l’origine d’une grande richesse et diversité biologique.

Libé : Quel est le degré de pollution du littoral du Doukkalla ?
O. A : Le littoral du Doukkalla a toujours été un lieu privilégié de l’implantation humaine en raison de son accessibilité, des ressources qu’il recèle et de sa situation stratégique. Cette occupation s’est traduite surtout dans la période récente par le développement d’activités multiformes (pêche, agriculture, exploitation du sel, exploitation des sables, activités portuaires, tourisme,..) et de nombreux aménagement ont ainsi vu le jour.
Le littoral des Doukkala, à l’instar des littoraux du monde est le siège de contraintes anthropiques diverses qui sont :

  • rejets directs en mer (domestiques et industriels)
  • exploitations des ressources vivantes (pêches et collectes d’algues)
  • exploitations des ressources non vivantes ( carrières de sables)
  • activités portuaires
  • tourisme estival
    Plusieurs études ont été réalisées pour évaluer l’impact de ces contraintes sur l’environnement littoral, les ressources marines et le fonctionnement des écosystèmes côtiers (plages, estuaire Oum Er Rbia, Complexes lagunaires Oualidia Sidi Moussa …).
    Il est certain que ces écosystèmes connaissent des perturbations écologiques dont la gravité est variable.
    Une analyse critique des résultats et des interprétations de ces études doit être réalisée
    En effet, la méthodologie de travail et la stratégie d’échantillonnage sont des éléments déterminants dans l’établissement d’un diagnostic fiable de l’état de l’environnement d’un écosystème. Le choix des stations de prélèvements, leur fréquence la durée des mesures, l’étendu d’échantillonnage, la calibration du matériel de mesure, l’adéquation des méthodes d’analyses et d’interprétation des résultats sont des éléments clefs d’une analyse scientifique fiable.
    Beaucoup d’études menées sur le littoral des Doukkala manquent d’objectivité scientifique, elles sont souvent ponctuelles et fragmentaires.
    Il n’est pas concevable scientifiquement que sur la base de quelques mesures ponctuelles dans des conditions bien particulières, des conclusions sur l’état de la salubrité du littoral des Doukkala soient émises.
    En absence d’une étude intégrée pluridisciplinaires, et d’un suivi sur une longue période, il est très difficile de diagnostiquer l’état de santé du milieu littoral. Les confusions peuvent être introduite à la suite de la méconnaissance des cycles biogéochimiques naturels de l’écosystème, des cycles climatiques et de l’hydrodynamique du milieu.
    Ainsi, des confusions énormes ont été relevées dans un certain nombre d’études où le bruit de fond géochimique est considéré comme pollution.
    La disparition de certaines ressources a été corrélée à une activité anthropique alors elle obéirait à des cycles naturels dont la périodicité reste mal connue.
    Au niveau méthodologique, souvent, des approches adoptées pour les études des eaux continentales ont été transposées pour les études des eaux marines en particulier les études visant l’évaluation de la qualité bactériologique des eaux. Les indicateurs de la pollution fécale sont évalués de la même façon aussi bien pour les eaux usées que les eaux marines. Alors que ces dernières ont des caractéristiques physico-chimiques très particulières (salinité, PH…).
    Certaines zones du littoral des Doukkala sont le siège de rejets continues qui nécessitent des études pour évaluer leur degré de pollution et son étendue.
    Certes, on ne peut pas concevoir un développement socio-économique sans activités industrielles ; cependant, il faudrait limiter l’effet déstabilisateur des activités existantes et exiger l’utilisation de technologies respectueuses de l’environnement.

Propos recueillis par Ahmed Chahid Libération du 29-04-2004