Il n’y a pas que la guerre qui fait ses héros. Les vrais héros on les retrouve surtout en temps de paix. Ce sont ces anonymes de la vie quotidienne qui défient tous les instincts primitifs de conservation pour n’obéir qu’aux seules valeurs humaines en allant au devant les dangers les plus imminents dans l’unique objectif de porter secours à l’autre.
Les vrais héros ne s’embarrassent pas des fardeaux de la prudence…Ils agissent, ils ne mesurent pas les risques…Ils s’emportent, ils oublient la peur et s’oublient eux même pour ne garder en conscience que ce devoir moral et humanitaire qui les différencie des autres et qui les pousse à plonger au-delà de la raison pour sauver une vie humaine.
Feu Hassan Majnaoui, fait partie de cette espèce là. Une espèce d’hommes qui portent le défi jusqu’aux portes de l’au-delà avec la seule motivation de porter secours à son prochain. En essayant de sauver une jeune fille qui tentait de se suicider en sautant du haut d’un immeuble de cinq étages, Hassan a réalisé son vœu sans jamais savourer le mérite de son courage, il a payé de sa vie pour sauver celle d’une désespérée.
Dans cette foule qui attendait passivement le déroulement d’une scène de drame, Hassan s’est porté volontaire pour devenir la principale victime de ce drame. Les mains nues, la tête haute et le cœur chaud il n’a fait que répondre à cette impulsion interne qui lui dictait qu’il est immoral de garder une place de spectateur devant un acte suicidaire. Il n’avait que son corps et ses bras de jeune ouvrier à sacrifier en guise de secours. Il les a offerts intuitivement et volontairement pour sauver une personne en danger de mort … Hélas, le prix à payer a été très cher, Hassan n’écoutera jamais le cri de la foule en émoi, il ne connaîtra jamais le visage de la rescapée ni l’histoire de son acte de folie suicidaire. La charge qu’il a reçu de plein fouet ne lui laissa aucune chance pour comprendre la suite des épisodes d’ici-bas.
Ce que Hassan a laissé derrière lui est beaucoup pus fort, beaucoup plus puissant que ce que peuvent relater ces quelques lignes écrites à la mémoire de ce jeune héros qui sirotait sereinement son café dans une terrasse d’à côté quelques minutes avant sa fin tragique. Enfant du peuple, Hassan qui est devenu dorénavant l’icône du courage, vient de nous rappeler ces valeurs que l’Humanité a tendance à effacer de sa mémoire en optant pour un individualisme aussi absurde que destructeur.
En quittant son domicile ce mardi fatidique Hassan Majnaoui ne savait pas qu’il avait rendez-vous avec une mort aussi brutale, de même qu’il ne cherchait aucun laurier de gloire ou une épitaphe de martyre. Il était tout simplement un modeste citoyen casablancais qui voulait vivre son jour de jardinier occasionnel pour pouvoir subvenir à ses besoins.
Pour les habitants du quartier Lehjajma qui le connaissaient bien, Hassan qui est Jdidi de souche et dont l’âge frisait la quarantaine au moment du drame, représentait de son vivant l’exemple même du citoyen modèle, facile à vivre et toujours disponible là où le besoin d’autrui s’en ressent ; des qualités qui deviennent rares et qui faisaient de lui l’ami de tous dans cette jungle où les valeurs s’effritent pour laisser la place à un égoïsme des plus ravageurs.
Oui, Hassan a payé de sa vie pour nous laisser le plus éloquent des messages. Un message que le Président du Gouvernement M. Abdelilah Benkirane a bien saisi en se rendant au domicile du défunt pour consoler sa famille et lui présenter ses propres condoléances. Un message qu’on ne peut négliger en nous inclinant face à cette foule immense qui s’étendait sur des kilomètres pour accompagner la dépouille du héros vers sa dernière demeure. Un message dont les reflets se sont miroités dans les larmes des milliers de jeunes, venus de tous les coins de Casablanca pour rendre un dernier hommage à ce brave qui a voulu nous démontrer que notre printemps, on peut le fêter autrement, en puisant dans nos valeurs, nos vrais valeurs, celles qui sont tissées par les fibres de la solidarité, de l‘amour de l’autre, du sens moral, du devoir de citoyen et du réveil des consciences.
Le plus grand hommage qu’on peut rendre aujourd’hui à notre héros National, c’est de faire en sorte que son sacrifice ne soit pas vain, car ni l’attendrissement d’un jour, ni l’émotion d’une nuit blanche ne peuvent honorer la mémoire d’un homme du peuple qui a démontré que le cœur de notre pays n’est jamais à l’agonie…Il bat toujours au rythme de ses valeurs les plus enracinées.
Nos sincères condoléances aux familles du défunt, Majnaoui et Najeh, nos condoléances les plus attristées à ses amis et connaissances, notre profonde consolation à notre ami Najeh Hassan, oncle d’une icône Nationale sculptée dans la bravoure et le sens le plus aiguisé du devoir.
Adieu Hassan. Les vrais héros ne meurent jamais. Ton geste héroïque restera gravé dans les mémoires pour toujours.
Chahid Ahmed