Les côtes marocaines, qui s’étendent sur 3500 km, présentent une richesse importante en espèces d’intérêts économique et écologique. Les études sur la biodiversité des algues marines benthiques ont mis en exergue une richesse spécifique de 489 espèces : 303 Rhodophyceae (Algues rouges), 99 Phaeophyceae (Algues brunes) et 87 Chlorophyceae (Algues vertes). Malgré cette diversité importante, presque une seule espèce d’algue rouge, Gelidium sesquipedale, est exploitée pour sa richesse exceptionnelle en un polysaccharide appelé agar-agar ou gélose fortement plébiscité pour ses propriétés gélifiantes étonnantes.
L’exploitation du Gelidium a débutée à El Jadida en 1949, surtout pour l’espèce G. sesquipedale qu’on trouvait en abondance rejetée en épave par la mer ou sur les rochers du médiolittorale. Lors des périodes de récolte, ce sont quelques milliers de riverains démunis et quelques centaines de barques qui charrient une biomasse algale avoisinant les 14000 tonnes générant ainsi un chiffre d’affaires dépassant les 30 millions dhs.
Cette espèce a un rendement intéressant en agar avoisinant les 25 à 30% du poids sec. Elle est la seule de la flore marine marocaine, que la loi essaye de protéger de l’intense exploitation destructive. Deux arrêtés ont été publiés à son encontre (l’arrêté du 20 octobre 1950, BO N° 1983, et l’arrêté n° 1118-93 publié le 1er décembre 1993, BO N° 423).
Les textes de ces articles ont comme objectif la réglementation de la récolte et stipulent :
– L’interdiction de la récolte des algues marines de la famille des floridées, dont Gelidium, du 1er octobre au 30 juin de chaque année ;
– L’interdiction de la récolte des algues pendant la nuit ;
– Le ramassage sur les côtes des algues en épaves (rejetées) est autorisé en tout temps ;
– Leur arrachage par contre est strictement prohibé ;
– des sanctions de toute infraction aux présents arrêtés
Malgré la réglementation en vigueur, l’espèce Gelidium subit une surexploitation alarmante au risque da sa disparition des côtes marocaine. Son biotope et sa flore accompagnatrice, connaissent une réduction drastique à cause d’un excès d’arrachage et, par conséquent, un bouleversement de leur écosystème. Cette espèce, malgré sa grande régénération végétative, sa productivité d’une biomasse élevée, est devenue ces dernières années très rare sur une grande partie du littoral où elle était auparavant exploitée à 0.80 Dhs/kg de matière séché contre 7 à 12 Dhs/kg actuellement. Des gisements immenses ont été rasés; les arracheurs ne font le tri qu’à la surface au moment du séchage; parfois l’algue est arrachée avec son support. Les habitants d’El Jadida, qui vivaient de cette pratique, rapportent qu’il n’est plus possible d’atteindre l’espèce qu’à des profondeurs élevées alors qu’elle était à la portée de la main à marée basse. Les industriels savent bien que la plongée coûte cher; c’est pour cette raison qu’on cherche d’autres sites non encore exploités au sud du Maroc et où les gisements sont très proches.
Il est donc indéniable que l’arrachage et la surpêche, sans négliger les conséquences des autres pollutions, doivent être considérés comme les principales causes de la dégradation du stock de l’algue à El Jadida comme aux autres régions du Maroc (Larache, Essaouira et Lâayoune) (L’étude Nationale sur la biodiversité).
Au regard de tous ces dysfonctionnements, quelques recommandations s’avèrent nécessaires :
– Sensibiliser la population bénéficiaire sur l’importance de la période de ‘repos biologique’, du risque de l’arrachage des thalles et de l’importance de la sauvegarde des disques de fixation pour garantir la régénération de nouvelles frondes ;
– Suivi régulier des peuplements et adaptation de la législation en fonction des stocks actuels ;
– Encourager localement la recherche scientifique et technique dans le domaine de l’algoculture qui pourrait réduire la pression sur la ressource naturelle et représenter une source de revenus intéressante pour la population de la région ;
– Encourager localement la transformation en Agar pour mieux valoriser la ressource ;
– Mettre en place un plan d’aménagement pour une meilleure protection et valorisation de la ressource.
Photo : Sabour, ER Algologie, FSE.
Gelidium sesquipedale Turner (Thuret) : Algue rouge de consistances cartilagineuses avec des frondes de grande taille de 10 à 40 cm, rameaux minces aplatis, aigus, nus à la base. C’est une espèce proliférant sur les rochers de la zone littorale inférieure et infralittorale très fréquente entre Larache et Lâayoune particulièrement dense sur les côtes de Doukkala.
Cette algue est très recherchée mondialement pour l’extraction de l’agar-agar. Il s’agit d’une molécule gélifiante dite phycocolloïde qui, sous forme de poudre blanche après extraction, se solubilise dans l’eau bouillante et donne après refroidissement un gel consistant. L’agar-agar est très utilisé comme additif gélifiant et texturant dans les industries alimentaires et cosmétiques sous le code E406. Il est également utilisé dans la préparation des milieux de culture en microbiologie, dans la composition de pâtes à empreintes dentaires,…
Les Agars : la structure chimique et la qualité dépendent essentiellement de l’unité de répétition régulière et des unités substituées.
Algologie – Toxicologie Aquatique
Faculté des Sciences El Jadida
brahimsabour@gmail.com